Tout comme le télétravail, la téléconsultation médicale avait du mal à percer en France. La téléconsultation n’avait jamais vraiment rencontré le succès. Les téléconsultations représentent désormais une nouvelle manière de consulter. Dans le contexte Covid-19, il a été assoupli le recours à la téléconsultation, habituellement réservée au médecin traitant ou à un praticien déjà consulté en cabinet dans l’année précédente. Si la télémédecine était un choix « contraint », elle est probablement appelée à devenir une véritable solution pour les personnes isolées, les habitants de déserts médicaux, les expatriés et bon nombre d’autres personnes domiciliées en France,… . La téléconsultation va-elle connaître, après cette période, un essor et s’installer progressivement dans le parcours de soins (voire de santé…) ? Nous avons eu le plaisir d’interroger, à distance, Stéphane Hasselot, Directeur Général Adjoint Groupe Matmut, Assurance Santé.
D’abord, d’un point de vue général, pensez-vous que « l’épisode sanitaire » lié au covid19, qui a permis un véritable usage de la téléconsultation par les Français, va enfin se développer durablement et s’installer dans le parcours de santé et/ou de soins des Français ? Pour quelles raisons ?
Stéphane Hasselot : Durant cette période, les médecins, comme les Français, ont dû s’adapter afin de maintenir l’accès aux soins. Je souhaite insister sur le fait, que, y compris avant la crise sanitaire inédite que nous traversons, la baisse du nombre de médecins, la problématique des déserts médicaux, l’allongement des délais d’attente faisaient que l’obtention d’un rendez-vous médical n’était déjà pas toujours chose aisée.
Dans la période que nous avons traversée, de nombreux médecins se sont dotés de solutions pour pouvoir maintenir le lien avec leur patientèle et les acteurs des complémentaires santé ont également répondu présents avec les solutions de plateforme de téléconsultation à destination de leurs adhérents. Même si on s’en serait bien passé, l’épisode sanitaire a à ce titre démontré la pertinence de notre démarche d’innovation.
La crise du COVID-19 a démocratisé l’usage de la téléconsultation et a certainement contribué a levé les freins que pouvaient avoir les Français vis-à-vis de cette pratique, nouvelle pour la plupart. Nous avons vécu une acculturation à marche forcée des usages « en visio », par exemple dans le cadre professionnel, et c’est un phénomène observé aussi au niveau de la relation au médecin.
Selon un récent sondage*, 30 % des Français, sont prêts à y recourir plus souvent à l’avenir. Peut-on considérer que l’usage de la téléconsultation va enfin « décoller » ? Si oui auprès de quelles populations ?
S.H : Je le disais, le sens de l’Histoire est que cela va rentrer progressivement dans les usages mais il faudra encore du temps pour observer un effet significatif sur la télémédecine au sens large. Il faudra surtout observer le comportement des Français dans une période « apaisée » sur le plan sanitaire.
La téléconsultation avait déjà commencé son essor avant cette crise sanitaire mais nous avons effectivement enregistré un pic pendant cette période. La marge de progression reste tout de même importante. La France est encore confrontée à des déserts médicaux mais aussi des zones urbaines surpeuplées où il est difficile de prendre rapidement rendez-vous chez un médecin, généraliste ou spécialiste. Sans oublier le vieillissement de la population et les problèmes de mobilité qu’il engendre. La téléconsultation apporte aujourd’hui une réponse concrète à ces difficultés, pour les populations concernées, et peut faire reculer le renoncement aux soins, phénomène bien réel qui engendre de graves conséquences, dans ces zones plus sensibles.
Certains acteurs du secteur de l’assurance complémentaire santé proposaient déjà ce service à leurs assurés. Pensez-vous qu’à l’avenir, les services de téléconsultation devront faire partie intégrante et systématique de l’offre servicielle dans le cadre d’une complémentaire santé ?
S.H : Je souhaite être très précis sur le service que nous proposons. Ce que la Mutuelle Ociane Matmut a mis en place depuis près de 3 ans, via un partenariat avec Medaviz, spécialiste de la télémédecine est un service digital innovant, inclus dans les contrats et au bénéfice de nos adhérents. Nous leur permettons de rentrer en contact très rapidement avec des médecins affiliés parmi 30 spécialités proposées.
Quand une personne est confrontée à un problème de santé, elle a souvent besoin d’un avis médical dans la journée. Or, les agendas des médecins sont saturés et il faut parfois quelques jours, voire quelques semaines pour des spécialités comme la dermatologie ou l’ORL pour obtenir une consultation. Avec notre service Medaviz, nos adhérents peuvent avoir un premier avis ce qui est très rassurant. Il faut vraiment voir ce service comme une complémentarité avec son suivi médical classique.
Sur ce périmètre bien défini, je pense effectivement que le service de téléconsultation va devenir incontournable dans les offres de complémentaire santé et c’est une bonne chose. L’intérêt et l’usage sont une réelle plus-value pour les Français qui peuvent bénéficier d’un avis médical en quelques minutes. Cela peut permettre de désengorger les cabinets médicaux pour la gestion des petits maux mais également d’orienter les patients, s’il y a une réelle nécessité à faire une consultation physique.
Le but n’est d’ailleurs pas de remplacer 100% des consultations physiques mais de pouvoir avoir cette alternative pour nos adhérents, en cas de besoin, pour obtenir un avis médical rapide ou utiliser un mode de consultation plus pratique.
Est-ce que ce service, tel qu’il est proposé actuellement par les complémentaires santé, va évoluer ? Si oui comment ?
S.H : Nous sommes aujourd’hui satisfaits du service que nous proposons à nos adhérents car il permet de parler à un médecin, généraliste ou spécialiste, en quelques minutes, 24h/24 et 7j/7. C’est une réelle réponse pour les personnes qui n’ont pas la possibilité de se soigner pour diverses raisons : déserts médicaux, manque de disponibilité… et cela permet de lutter concrètement contre le phénomène de renoncement aux soins.
De façon générale, notre approche est pragmatique. Notre stratégie d’innovation ne consiste pas à proposer des gadgets, pour se faire plaisir, mais bien de coller au plus près aux besoins sociétaux, ceux de nos adhérents dans leur vie de tous les jours. Avec toujours le souci de la simplicité d’utilisation et de la rassurance, conformément au positionnement « complice de vies » de notre Groupe.
Est-ce que ce service va désormais s’installer durablement dans la chaine de valeur servicielle de l’assurance complémentaire santé et être utilisé par les assurés des acteurs du secteur de l’assurance ? Si oui, avec quel modèle économique ? L’inclusion à la garantie complémentaire santé, un autre modèle économique ?
S.H : Pour notre part, ce service est intégré à nos offres – hors offres normées par les conventions collectives qui ne prévoient pas ce service dans leurs appels d’offres – quel que soit le niveau de couverture de nos adhérents. Il n’est pas question aujourd’hui de faire une sélection à l’entrée en fonction du niveau de la cotisation payée car il s’agit d’un service de médecine de base et donc essentiel à la santé de nos adhérents. Certains acteurs peuvent faire le choix de faire de ce service une option payante, ce n’est pas notre orientation à ce jour.
Comme dans beaucoup de nouvelles activités avec de très nombreuses offres et sociétés de services, ne va-t-on pas voir une concentration très forte sur ce type de service, et voir 2 ou 3 plateformes leaders « truster » la quasi-totalité de l’offre de services de téléconsultation ?
S.H : Le marché est en train de bouger avec certaines très grandes plateformes mais il ne faut pas négliger les acteurs de taille plus modeste qui tirent leur épingle du jeu par la qualité du service proposé. Medaviz, avec qui nous travaillons depuis près de 3 ans maintenant, permet de consulter un médecin généraliste ou spécialiste 24h/24 et 7j/7. Certains acteurs n’ont pas une offre aussi élargie et la satisfaction de nos adhérents est excellente, tant sur l’accueil que sur la qualité des consultations, ce qui nous conforte dans notre choix. Le marché va certainement être amené à se concentrer dans les prochaines années mais pour le moment, il y a du travail pour tout le monde !
Avez-vous d’autres commentaires ?
S.H : L’offre de télémédecine s’élargit et de nouvelles solutions voient le jour également pour les entreprises notamment avec les cabinets médicaux connectés H4D. Cette cabine de télémédecine clinique permet aux collaborateurs de bénéficier d’une consultation à distance par visio conférence, avec un médecin et de prendre en direct toutes ses constantes à l’aide d’instruments de mesures et de capteurs à disposition dans la cabine (thermomètre, stéthoscope, oxymètre, tensiomètre…). Ces mesures et indications permettent au médecin d’établir un diagnostic fiable et précis et si besoin de délivrer une ordonnance au patient/salarié directement imprimée dans la cabine. Nous avons fait ce choix pour le siège social du Groupe Matmut, à Rouen, et également à Bordeaux, au sein de la Mutuelle Ociane Matmut, via un partenariat avec H4D, et dans le cadre de l’accord relatif à la qualité de vie au travail signé avec les partenaires sociaux.
C’est le même pragmatisme que j’évoquais précédemment : mener une politique active de santé au travail doit s’accompagner par la mise en place de solutions utiles, et utilisées. A ce titre, c’est un réel succès, avec une centaine de consultations par mois et une satisfaction des collaborateurs du Groupe de plus de 98%.
Nous remercions Stéphane Hasselot, et vous rappelons que nous avons décidé de traiter ce sujet, dans les mois à venir, en particulier le :
- Une enquête spéciale sur le sujet de la téléconsultation et les enjeux de ce service pour le secteur de l’assurance
- Une émission spéciale « La téléconsultation, dans la chaine de valeur de la complémentaire santé ? » sur Assurance TV (voir exemples)
- Un dossier spécial dans le prochain magazine print « Dessine-Moi l’Assurance » adressé aux décideurs du secteur de l’assurance (voir le dernier numéro en format digital)
*OpinionWay, réalisé les 27 et 28 avril
Par Jean-Luc Gambey – Vovoxx
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