La profession ne doit pas être la victime ! C’est en ces termes que le président de la Fédération de l’Assurance CFE-CGC, Joël Mottier, a fait part récemment de ses inquiétudes dans un communiqué faisant ressortir à quel point la crise du Covid-19 malmène un secteur d’activité, pourtant essentiel à nos économies développées et employant directement, faut-il le rappeler, plus de 230 000 personnes en France. En Europe, l’Assurance française est numéro 1.
Une image ternie, une fois de trop
En temps normal, l’assurance n’a déjà pas bonne presse. La crise sanitaire inédite que nous traversons, ne fait malheureusement qu’amplifier ce sentiment de défiance. Prié par le gouvernement de se montrer plus solidaire, placé sous surveillance du Parlement par la loi de finances rectificative du 25 avril dernier, sommé par les associations de consommateurs de rembourser une partie des primes d’assurance automobile pour cause de baisse temporaire de la sinistralité sur les routes, le secteur est cerné de toutes parts.
A cela s’ajoute bien sûr, le feuilleton autour du remboursement des pertes d’exploitation. Là, le sujet est plus complexe et la réponse, ou plutôt les réponses, ne se trouvent pas dans des grandes déclarations de principe sur la couverture ou non des pandémies mais bien dans les conditions générales et particulières de chaque contrat. A ce niveau, on ne peut que regretter le spectacle déroutant auquel se livrent assureurs et bancassureurs, réunis pourtant dans une même fédération, sur la prise en charge ou non de la perte d’exploitation, tout comme les communications sur les primes de relance mutualiste, voire des tergiversations juridiques autour des syndromes respiratoires ou les micro-organismes pour contester des indemnisations. Les tribunaux trancheront le moment venu.
L’assurance n’est pas « charity business ». Elle repose sur des fondamentaux à commencer par l’aléa, critère déterminant de la notion de risque assurable, et la mutualisation qui permet d’appeler des primes dont le niveau est accessible à la grande majorité des assurés comparé aux montants des indemnisations qui, en cas de sinistre, seront versées à quelques-uns d’entre eux.
A la lumière de ces fondamentaux, on ne peut qu’être surpris de la teneur des attaques que subit le secteur de l’assurance et du climat délétère qu’elles créent dans lequel l’assureur est perçu comme un profiteur, et plus inquiétant, qui génèrent parfois de l’agressivité chez les assurés vis-à-vis de professionnels de terrain.
Même si bon nombre d’intermédiaires reprochent les retards à l’allumage des représentants de la profession pour apporter une écoute attentive au désarroi des dirigeants des petites et moyennes entreprises, ce qui a certainement pesé dans le ressentiment d’une grande partie des assurés, cela ne justifie en rien que les professionnels de terrain deviennent des souffre-douleurs, pour reprendre les propos de Joël Mottier. En relation avec de nombreux distributeurs, nous pouvons confirmer ce sentiment, parfois d’abandon, que vivent les intermédiaires. La récente Lettre ouverte de Patrick Evrard, Président de la Fédération des agents généraux d’assurances, va aussi dans le même sens.
Des acteurs de terrain bien présents au service des clients
Tout cela est fort dommageable car, in fine, les acteurs du secteur de l’assurance ont été, sur le terrain et dans les directions, à la hauteur des enjeux de la solidarité attendue. Beaucoup d’entreprises se sont engagées massivement pour soutenir, le personnel soignant, les entreprises, les personnes fragilisées et leurs clients en situation de détresse. Plus de 3 milliards d’euros ont été débloqués à destination de l’économie et on ne compte plus les mesures d’assouplissement instaurées en assurance de personnes pour étendre les prises en charges des indemnités journalières liées aux arrêts de travail pour garde d’enfants ou pour les personnes fragiles, au-delà des dispositions contractuelles.
Les réseaux de proximité ont été pour la plupart remarquables et les collaborateurs de back-office présents. Les DRH, les DSI et la majorité des salariés ont fait preuve de résilience, eux aussi confrontés aux angoisses et aux risques du COVID-19. Ils ont permis, en un temps record, de maintenir la continuité de services et de lien avec les assurés, de protéger la fonction essentielle de l’assurance : assurer et rassurer, voire même, pour quelques opérateurs, de continuer une activité de prospection et de production à des niveaux quasi semblables à ceux de l’exercice passé sur la même période. Sur le terrain, les professionnels ont été actifs, présents, efficaces, solidaires et ont rempli leur rôle économique et social.
L’absence de communication organisée du secteur dès les prémices de la pandémie suivie d’un brouhaha médiatique inconsistant contre les assureurs et les dizaines de milliers de professionnels qu’ils emploient, désormais « sommés » par l’opinion et ses relais de s’expliquer, de se défendre, de rembourser, est un sinistre majeur pour l’image de ce secteur.
L’assurance, nous l’aimons
Sous les assauts de l’opinion, de relais médiatiques, l’image de l’assurance est dans les cordes. Il s’agit là d’une catastrophe, pour son rôle, pour ses salariés et faut-il le rappeler, pour son attractivité, c’est-à-dire le recrutement de nouveaux talents, notamment parmi les jeunes générations.
L’assurance nous l’aimons, parce qu’aucune société développée ne peut avancer sans un minimum de protection. Essentielle pour préserver nos familles, notre santé, nos déplacements, nos investissements, nos entreprises, nos maisons, nos revenus futurs, en un mot notre vie ! L’assurance est, ne l’oublions pas, un stabilisateur social pour les ménages et les individus confrontés à des chocs imprévus, accidentels. N’ayons pas peur des mots : nous faisons partie de ceux qui défendent cette industrie, ses fondamentaux, ses réseaux et son rôle économique et sociétal majeurs.
Aimer, c’est aussi savoir appréhender le contexte avec une certaine lucidité. Là encore, soyons réalistes et méfiants, les « vieux démons » du secteur de l’assurance ont été réveillés par la crise du COVID-19 et ont été amplifiés par l’effet loupe et le caractère simultané et massif de cette incroyable situation. Voilà pourquoi nous devons penser et agir pour #LassuranceDuMondeDapres.
Le coronavirus, à la lumière des différents échanges que nous avons menés tout au long de ces dernières semaines avec de nombreux décideurs et distributeurs, a déjà permis de prendre conscience – c’est une certitude partagée par un grand nombre -, de l’absolue nécessité de rompre définitivement avec certains démons de l’ancien monde de l’assurance : les excès d’opacité, d’argutie et de subtilité, générateurs d’incompréhensions et de frustrations qui en font oublier l’idéal de solidarité qu’est l’assurance.
Pour notre part, nous continuerons à pratiquer une analyse constructive de certaines postures et décisions, parce que nous pensons, à notre simple niveau et en toute modestie que l’assurance doit aller loin et vite dans sa transformation et invitons tous ceux qui partagent ces convictions, à envisager concrètement #LassuranceDuMondeDapres.
Jean-Luc Gambey et Jean-Charles Naimi