Au-delà du métier du courtage, vous valorisez l’approche dite « connected risk intelligence », qui permet de cartographier et analyser les risques d’un client par rapport à son historique, son secteur. Pouvez-vous nous préciser les enjeux de cette approche ?
En réalité, « Connected Risk Intelligence » dit CRI, va beaucoup plus loin que les cartographies de risques et les quantifications actuarielles classiques que l’on connaît. Les enjeux de cette approche se situent à un niveau plus stratégique puisque l’objectif du CRI est de bâtir un modèle d’aide à la décision en termes de financement des risques, qu’ils soient opérationnels ou financiers, assurables ou non.
« Connected Risk Intelligence » est un produit de la fusion entre Willis, Gras Savoye et Towers Watson qui a amorcé la réflexion sur le développement d’une plateforme unique pour la gestion de l’ensemble des risques d’une organisation.
Nous constatons que les équipes dirigeantes de nos clients sont de plus en plus soucieuses de l’impact potentiel des risques sur leurs résultats et de l’optimisation de leurs stratégies de transfert de risques (hedging strategies). A l’instar des institutions financières, les entreprises expriment de plus en plus la volonté d’intégrer les risques dans leur planification financière et ainsi de bénéficier des synergies, qui se traduisent généralement en économies significatives.
Pour répondre à ces attentes, nous avons créé CRI en partant du constat simple que la gestion des risques chez nos clients est généralement silotée, avec des responsables et des langages qui leur sont propres. Les décideurs en matière de risque ne disposent donc pas des outils qui leur permettraient d’arbitrer efficacement entre les différentes solutions de transfert ou de rétention du risque. Par ailleurs, ils ont aussi un réel besoin d’éclairages quantitatifs sur leur exposition aux risques majeurs. Nous avons donc investi les ressources nécessaires en capital financier, humain et technologique pour développer une plateforme d’aide à la décision combinant toutes les grandes familles de risques auxquels une entreprise est exposée. Celle-ci vise à combiner les différentes expertises en risques, en assurance de personnes, en IARD, en actuariat et en finance pour offrir aux directeurs financiers et aux professionnels du risque une vision globale et exhaustive de leurs portefeuilles de risques.
Connected Risk Intelligence permet de répondre à la question de savoir quel est le point d’équilibre optimal entre le transfert du risque aux assureurs et sa rétention pour minimiser le coût de l’assurance tout en respectant la tolérance au risque du Groupe : le lien entre la finance et l’assurance est finalement fait ! Cette approche permet également de déterminer si les ressources investies en gestion des risques sont allouées de manière optimale. En résumé, le CRI permet d’évaluer, sur une base commune, l’ensemble des solutions de transfert de risque disponible pour orienter les ressources vers celles qui offrent le meilleur retour sur investissement.
Quelles technologies et savoir-faire cela impliquent ?
Willis Towers Watson est le premier employeur d’actuaires, avec plus de 2500 collaborateurs autour du monde. Donc bien évidemment, la Data et son exploitation sont des sujets au cœur de notre stratégie, et cela depuis plusieurs décennies. Nous avons développé différents modèles et méthodologies actuarielles qui permettent aujourd’hui d’exploiter des bases de données colossales pour appréhender et quantifier les risques de nos clients, même lorsque ces derniers ne se sont pas encore matérialisés. D’autre part, nous profitons également de notre positionnement de leader en solutions technologiques de modélisation des risques pour les compagnies d’assurance et de réassurance pour adapter notre offre à nos clients corporatifs.
Vous délivrez donc une nouvelle approche visant à aider les Directeurs financiers et les gestionnaires de risques en entreprises à réduire les risques et leurs coûts ? Comment appréhendent-ils cette démarche ? Avez-vous des cas d’usages à nous évoquer ? En France ?
Dans un contexte de durcissement du marché de l’assurance, nous observons un intérêt croissant des décideurs financiers et des Risk Managers pour les sujets assurantiels. Le marché est à la recherche de solutions innovantes qui puissent leur apporter des réponses quantitatives précises pour les aider dans leur processus d’aide à la décision. Mieux appréhender et contrôler la situation devient le nerf de la guerre pour atténuer l’impact du retournement du marché. C’est aussi l’opportunité de revoir, ou au moins de redéfinir, une stratégie de financement des risques. Cela fait maintenant plusieurs années que nous aidons nos clients à optimiser leurs portefeuilles de risques et leurs stratégies de financement. L’approche a fait ses preuves et a démontré des impacts significatifs tant sur la diminution des coûts que sur la protection des actifs, et cela pour des acteurs de diverses industries. La démarche qui jusque-là était limitée aux risques assurables a été étendue en 2019 à tous les risques d’entreprise, et depuis les résultats se confirment. La France n’échappe pas à cette tendance. De nombreux clients nous ont fait confiance avec cette approche et ont bénéficié des mêmes résultats.
Pour les entreprises, est-ce une façon de décompartimenter leurs visions des risques, traditionnellement vus à travers le prisme des silos traditionnels de leurs activités ?
Absolument, c’est l’essence-même du CRI : désiloter les différentes « familles » de risques pour parler un seul et même langage. La clé de voûte de cette démarche repose sur la corrélation que l’on observe entre les différentes classes de risques. Il est important de noter que ces corrélations peuvent évoluer en fonction de la gravité des scénarios et qu’en cas de crise majeure, les choses se complexifient avec des conséquences en cascade et une ramification des impacts. Par exemple, une attaque cyber majeure peut facilement déborder sur la responsabilité des mandataires sociaux de l’entreprise, la responsabilité produits,… . Globaliser l’approche du Risk Management et fournir une vision exhaustive des risques d’entreprise offrent un meilleur contrôle et plus de visibilité, ce que demandent de plus en plus nos clients.
Y a-t-il des activités plus appétentes à cette approche « connected risk intelligence » ?
Non, tous les secteurs sont aujourd’hui concernés. Il est vrai que les entreprises cotées en bourse subissent une pression plus forte sur les sujets d’optimisation de leurs coûts et sur la mise en place de pratiques de bonne gouvernance en Risk Management. Cela dit, nous accompagnons aujourd’hui des entreprises de tailles diverses dans tous les secteurs d’activité. Pour être sincère, la vraie constante est plutôt le niveau de sensibilisation et de connaissance en gestion des risques des dirigeants.
ITW Julien Lorenzi, Senior Consultant Risk & Analytics & Richard Baudin, Head of Client Risk & Analytics – Willis Towers Watson réalisé avant période de confinement et intégré dans le mag #1 « Dessine-moi l’assurance » effectué par Jean-Luc Gambey – Vovoxx