La crise sanitaire, sociale et climatique questionnent nos façons de travailler, de consommer, et plus largement, de vivre. Il y a quelques années, les stratégies pour stimuler la croissance des entreprises intégraient différents facteurs : la création de nouveaux services, la conquête de nouveaux marchés, la diversification,… . Aujourd’hui, la société civile, alerte et exigeante, gronde et somme les entreprises de suivre le mouvement, de s’engager et de contribuer à un futur désirable. Les clients, les collaborateurs poussent les entreprises à se chercher une « raison d’être » sous peine de se voir “sanctionnées”. Aujourd’hui, les entreprises intègrent donc une “dose de raison d’être” dans leurs activités et leurs propositions de valeurs. La « raison d’être » d’une entreprise désigne la façon dont elle entend jouer un rôle dans la société au-delà de sa seule activité économique. Cependant la « raison d’être » n’est pas un petit plus pour l’entreprise.
Quand les entreprises se trouvent confrontées à la banalisation de leurs produits et qu’elles voient leurs marges fondre, elles ont souvent comme premier réflexe de vouloir améliorer leur proposition de valeur en innovant, en termes de produits/services ou de business model. En plaçant la « raison d’être » au cœur de la gouvernance, de la stratégie, les entreprises peuvent en tirer des bénéfices particuliers : un outil de management et resserrement de l’organisation, des parties prenantes plus motivées, un avantage concurrentiel accélérateur de business et un impact plus largement positif sur la société. Cependant la construction de la « raison d’être » s’articule autour de deux axes fondamentaux : l’intérêt de l’actionnaire ou de l’entreprise et l’intérêt du bien commun.
La « raison d’être » n’est pas un outil de responsabilité sociétale de l’entreprise, de ressources humaines, de marketing, un argument commercial, ni un « gadget » pour renforcer sa marque employeur !
La « raison d’être » de l’entreprise détermine désormais l’identité de l’entreprise et sa contribution à l’intérêt général. Elle devient un repère essentiel pour donner du sens, gagner en cohésion, renforcer l’alignement de toutes les parties prenantes et est un puissant facteur d’attractivité et de différenciation. Elle répond à un besoin croissant de sens de la part des collaborateurs et des consommateurs. D’ailleurs, 51 % des Français* considèrent qu’une entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble, devant ses clients (34 %), ses collaborateurs (12 %) ou ses actionnaires (3 %).
Les entreprises peuvent désormais intégrer dans leurs statuts « une raison d’être ». Mais pour que cette « raison d’être » ne devienne pas « cosmétique », elle doit s’inscrire dans un véritable cadre stratégique. Face à un engouement certain, le risque majeur est que cette « innovation juridique » génère très rapidement des déceptions et conduise à des impasses si elle ne sert pas de clé de voûte à un véritable projet stratégique.
Ainsi le statut “d’entreprise à mission”. L’article L 210-10 du Code de commerce, précise les conditions à remplir pour s’en revendiquer. Une société peut faire publiquement état de la qualité de société à mission lorsque les « conditions suivantes sont respectées :
- Ses statuts précisent une « raison d’être », au sens de l’article 1835 du code civil
- Ses statuts précisent un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité ».
La « raison d’être » questionne au fond, l’engagement des entreprises, de ses administrateurs ou actionnaires, de ses dirigeants, de ses collaborateurs, de ses partenaires. L’engagement indispensable, nécessite l’idée de se réinventer, de s’engager à la lumière de nos environnements en mutation. L’engagement des entreprises est une source puissante de rayonnement et est au cœur de la transformation des entreprises.
« Protéger et agir pour un futur serein » (Axa) « Nous sommes là pour permettre au plus grand nombre de construire leur vie en confiance » (Groupama) « Permettre à chacun de vivre selon ses propres choix » (Swiss Life).…Voici quelques-unes des dernières « raisons d’être » adoptées par des grands groupes depuis la loi Pacte. D’ailleurs, Tanguy Polet, Directeur division clients et transformation digitale de Swiss Life France précise que la « raison d’être » d’une marque est “l’alpha et l’omega de l’entreprise” et indique “Chez Swiss Life, nous avons mûri notre raison d’être autour du rôle sociétal majeur de notre métier d’assureur qui est, in fine, d’aider les personnes et entreprises à rendre l’imprévisible prévisible. Nous aidons nos clients, certes à se prémunir d’un risque, mais surtout, à oser saisir les nombreuses opportunités qui s’offrent à eux. C’est en étant libre de ses choix et de ses contraintes que l’on est en mesure de réaliser ses projets en toute confiance, aller au bout de ses rêves et être pleinement acteur de sa vie. Notre raison d’être, « permettre à chacun de vivre selon ses propres choix », est à la fois intemporelle et d’une actualité remarquable.”
Quant à la MAIF, qui été la 1ère grande entreprise à s’engager sur la voie de l’entreprise à mission, elle a formulé sa « raison d’être », en pesant chaque mot : » Convaincus que seule une attention sincère portée à l’autre et au monde permet de garantir un réel mieux commun, nous la plaçons au cœur de chacun de nos engagements et de chacune de nos actions”.
Au regard d’un environnement en complète mutation, la « raison d’être » de l’entreprise, au-delà de la performance économique nécessaire, et l’engagement dans des missions sociétales sont de réels avantages concurrentiels, un levier de performance. Il faut s’engager, agir et considérer la valeur sociétale à égale de la valeur économique de l’entreprise.
Jean-Luc Gambey
Texte de Jean-Luc Gambey réalisé avant période de confinement et intégré dans le mag #1 « Dessine-moi l’assurance » – Vovoxx