La crise sanitaire et économique engendrée par la pandémie de Covid-19 ainsi que le confinement de la population révèlent leurs premiers effets sur l’économie de la santé. GEREP, société de courtage, mène depuis fin janvier des travaux d’analyse sur les régimes d’assurance santé complémentaire qu’elle détient en portefeuille. La baisse d’activité est impressionnante sur certains postes, relève son président, Damien Vieillard-Baron.
La société de courtage en assurance collective, GEREP, a mené une étude détaillée auprès d’une partie significative de son portefeuille clients (panel d’environ 60 000 bénéficiaires sur 135 000 au total, gérés en frais de santé), afin de connaître les évolutions de consommation et de comportement des assurés dans le contexte de crise sanitaire et économique.
L’enquête porte, pour l’essentiel, sur des contrats d’entreprise couvrant les salariés et leurs ayants droit. Elle permet ainsi d’obtenir une vision assez claire des attitudes sur une population active, même si une grande partie de salariés sont aujourd’hui au chômage partiel.
Cette analyse a été effectuée dès l’annonce officielle des premiers cas de Covid-19 (24 janvier 2020) sur une fréquence hebdomadaire (semaine du 20 janvier à la semaine du 19 avril, soit 13 semaines de données). Consciente que des effets différés ou décalés du confinement se révèleront à moyen et long terme, avec l’apparition de pathologies consécutives au confinement, GEREP indique qu’elle produira tous les quinze jours de nouvelles séries de données.
Une baisse générale de l’activité santé
Sur les 13 premières semaines de la crise sanitaire, il est constaté une baisse de 31 % des prestations santé par rapport à la même période de l’année 2019. Une accentuation a été enregistrée à partir de la semaine de l’annonce du confinement (- 65 % du 16 au 22 mars), qui s’est suivie par une baisse significative lors des semaines du 23 mars, du 30 mars, du 6 avril et du 13 avril (respectivement -77 %, -78 %, -80 % et -84 % des dépenses de santé, soit en moyenne une baisse de 80 %). La situation est néanmoins contrastée selon les actes. A noter que contrairement à l’activité santé, objet de cette étude, qui enregistre une baisse significative, la gestion des sinistres prévoyance, de son côté, est sous tension, avertit GEREP.
Optique : baisse en moyenne de 55 %
En optique, le début d’année a été marqué par la mise en application effective du plafonnement des équipements à la suite de la réforme du « 100% Santé » et l’instauration de la fréquence de 2 ans (années de pic de consommation 2017 et 2019), relève GEREP. Jusqu’au 16 mars, GEREP a enregistré une baisse moyenne de consommation de 32 % en moyenne par semaine. Un net décrochage s’est opéré dès la semaine du 16 mars avec une baisse de 90 % en moyenne de la consommation en période de confinement.
Dentaire : baisse en moyenne de 30 %
Comme pour l’optique, le début d’année en dentaire a été impacté par l’application de la réforme 100% santé. De fortes hausses ont été enregistrées dans les semaines du 10 au 16 février et du 17 au 23 février avec des hausses respectives de montants remboursés de 66 % et de 63 % par rapport à 2019. Puis le décrochage est arrivé avec une baisse de 88 % dans la semaine du 16 mars, puis de 98% la semaine du 6 avril, et enfin une consommation nulle la semaine du 13 avril (fermeture des cabinets dentaires).
Et les soins courants ?
Selon l’étude, il est constaté une diminution des consultations et visites médicales avec une baisse en moyenne de 19,5 % sur la période et de 68 % au plus fort de la 13ème semaine pour les généralistes Pour les spécialistes la baisse en moyenne s’élève à 20,5 % sur la période et à 79 % au plus fort de la 13ème semaine.
Sur la pharmacie, le comportement du panel fait ressortir deux temps. Jusqu’à début avril, il n’y a aucun impact dû avec une évolution de +1,5 %. En revanche, une chute brutale de 33 % a été constatée ces deux dernières semaines, ce qui porte la moyenne à 11,33 % sur les 13 semaines par rapport à 2019.
Pour l’hospitalisation, les observations restent difficiles, selon GEREP, compte tenu des effets significatifs sur les versements liés au décalage de traitement du tiers payant hospitalier et autres retards de facturation. L’écart constaté est de -8.4% sur 13 semaines par rapport à 2019 avec des variations fortes selon les semaines.
Il conviendra de voir si le report des hospitalisations non urgentes prévues aura un impact sur le second trimestre ou au-delà, lors de la reprise d’activité hospitalière. L’écart constaté semble faible au regard des effets d’annonce sur ce point.
« Pour mesurer les impacts économiques globaux sur les complémentaires santé, il faudrait intégrer les mesures du plan de soutien mis en place par les assureurs – différé de paiement des cotisations et maintien des garant notamment – ainsi que l’impact des impayés de cotisations en cas de défaillance d’entreprises, de la portabilité des garanties en cas de hausse du chômage et enfin de l’impact lié au chômage partiel. S’il est trop tôt pour mesurer l’impact de la crise, nous savons déjà qu’il excédera amplement la question sanitaire : impacts financiers, économiques, assurantiels notamment. Les coûts de la pandémie ne se limiteront pas qu’aux pertes humaines, mais comprendront aussi les effets physiques sur les personnes infectées, ainsi que le traumatisme mental. Certains spécialistes parlent de symptômes de stress traumatique, de confusion et de colère. Tous ces facteurs sont exacerbés par la peur de l’infection, l’accès limité aux biens de première nécessité, la circulation de fausses informations ou les difficultés économiques. Par ailleurs, il a été démontré que le stress et l’anxiété peuvent entraîner une croissance des violences domestiques ainsi qu’une augmentation de la consommation d’alcool. », explique Damien Vieillard-Baron, Président de GEREP.
Jean-Charles Naimi, journaliste indépendant