L’activité est à l’arrêt dans de nombreux secteurs de l’économie et bons nombres de professionnels « indépendants » s’interrogent sur leurs ressources. Dans ce contexte difficile, le portage salarial peut s’avérer intéressant. Sébastien Bareau, fondateur de Patrimo Portage revient sur les contours du dispositif et explique que les salariés portés peuvent, sous conditions, bénéficier du chômage partiel.
L’Assurance en Mouvement : rappelez-nous brièvement à qui s’adresse le portage salarial et comment celui-ci fonctionne ?
Sébastien Bareau : Le portage salarial est un mode d’organisation spécifique, dans lequel une personne peut développer une activité de manière autonome tout en conservant la protection du statut de salarié. Le professionnel peut ainsi se consacrer à son cœur de métier en se déchargeant des contraintes juridiques, administratives, comptables, sociales et fiscales auprès de la société de portage salariale. Ceci a bien entendu un coût, celui de la société de portage mais aussi celui des charges patronales et salariales selon un ratio par rapport à la facturation de la prestation allant de 1 à 2 environ, hors impôt prélevé à la source. Mais en contrepartie, le professionnel cotise pour sa protection sociale à la Sécurité sociale ainsi que pour sa complémentaire santé et prévoyance, en sachant qu’un accord de branche est en cours de négociation, à l’assurance retraite et à l’assurance chômage.
Schématiquement, le professionnel facture ses prestations et celles-ci sont retraitées en salaire. Il obtient alors une fiche de paye.
Les premières sociétés de portage salarial existent depuis le milieu des années 80, à l’époque, il s’agissait de trouver un cadre pour favoriser le maintien en activité des seniors pour des missions ponctuelles de conseil. En 2015, le portage salarial a fait l’objet de mesures spécifiques avec l’ordonnance du 2 avril, complétée par la loi du 8 août 2016 sur la modernisation du dialogue social et la sécurisation des parcours professionnel.
Quel est l’état de l’activité de vos salariés portés depuis mi-mars avec la crise sanitaire et économique ?
Certaines activités ont moins ralenti que d’autres. C’est le cas par exemple de celles en informatique, marketing et communication qui affichent une bonne résistance jusqu’à présent. En effet, certaines activités peuvent s’adapter plus facilement en télétravail. D’autres domaines en revanche sont plus affectés comme le conseil patrimonial, la finance et l’immobilier, sur lesquelles notre société Patrimo Portage est fortement positionnée, avec un très fort ralentissement du chiffre d’affaires facturé. Certains profils de conseillers en immobilier d’investissement, ont eu leur quotidien perturbé par l’impossibilité de rencontrer de nouveaux prospects et donc de les accompagner. De même les prêts bancaires aux particuliers sont quasi à l’arrêt dans la mesure où ils ne sont pas la priorité des banques. Enfin, à ce jour, aucun acte authentique n’a été signé pendant la période, compte tenu de la problématique liée à la signature électronique. Bien entendu, les promoteurs ont mis en place la signature des contrats de réservation à distance, mais est-ce possible et éthique de proposer un investissement immobilier à un prix assez conséquent, en moyenne 250 000 €, à un prospect jamais rencontré auparavant et qui ne connait pas son avenir professionnel et personnel ?
Le dispositif de chômage partiel a-t-il pu être instauré au niveau du portage salarial ?
Oui. Sur un effectif de 18 personnes, nous avons mis en place le « chômage partiel » pour 5 d’entre elles. Ces dernières justifient d’un arrêt total de leur activité, même si des affaires sont en devenir.
Cela n’a pas été simple, il a fallu 3 semaines pour obtenir un accord de la Directe du fait de l’afflux massif des demandes. Nous avons bénéficié d’une aide précieuse de notre cabinet comptable Axilla mais aussi de la CFDT qui nous a fait parvenir quotidiennement des informations juridiques et sociales. En effet, au regard du nombre élevé de décrets gouvernementaux, c’était essentiel pour notre compréhension et concrétisation de la mesure.
Nous sommes néanmoins satisfaits du bon fonctionnement et de la bonne volonté de l’ensemble des acteurs concernés, services publics en premier. Car à peine quelques jours après la déclaration des salaires, le remboursement lié au chômage partiel a été effectué.
Nous pouvons donc constater que le portage salarial, permet bien de couvrir les salariés portés à l’instar des salariés classiques. Le travail fait par l’ensemble des partenaires sociaux paye. Bien entendu, il est impératif que les conditions définies soient respectées. Par exemple, il est hors de question d’inscrire tous les salariés portés en chômage partiel, seuls ceux qui étaient impactés en ont bénéficié, de plus dès la fin du confinement et donc la possibilité de rencontrer à nouveaux des clients en se protégeant, nous cesserons d’appliquer cette mesure.
Jean-Charles Naimi, journaliste indépendant