La pandémie actuelle impose des contraintes fortes d’organisation pour les entreprises. Résilience, plan de continuité, gestion de crise, maintien de la relation clients, gestion des Ressources Humaines et développement massif du télétravail, développement des systèmes d’information, conduite des opérations de communication, et maintien de l’organisation de la gouvernance de l’entreprise. Alors que la majorité des salariés du secteur de l’assurance travaillent aujourd’hui à distance, les dirigeants sont également confinés chez eux. Nous avons décidé d’interviewer, à distance, Sylvie Langlois, Présidente d’Entoria.
Sylvie Langlois, tout d’abord merci de répondre à cette interview. Comment en tant que personne, vivez-vous ce confinement ?
Je fais partie des privilégiés qui bénéficient d’un espace confortable pour vivre ce confinement, ce n’est malheureusement pas le cas de tous nos collaborateurs qui doivent pour certains composer avec des environnements de vie plus difficiles. En tout état de cause nous devons tous apprendre à concilier dans une unité de lieu unique la sphère professionnelle et de la sphère privée.
Trouvez-vous certains aspects professionnels positifs à votre confinement ? au télétravail ?
Même si nous sommes nombreux à avoir testé le télétravail et à être familiers des outils et méthodes de travail qu’il impose. Ce qui est inédit c’est la durée … A ce titre cela exige une vraie rigueur et une organisation à toute épreuve. L’effet le plus marquant me semble l’organisation des réunions, à la fois plus courtes, plus efficaces et mieux structurées. Donc à ce titre, oui, je pense qu’on est gagnant et qu’il faudra surtout conserver ces bonnes pratiques par la suite.
Quelles grandes décisions, pour votre entreprise, avez-vous prises dans ce contexte ?
Très vite il nous est apparu incontournable que durant cette période difficile à gérer pour nos clients, nous nous devions de rester à leurs côtés et de continuer à leur offrir la totalité de nos services. Nous avons donc décidé dès le 17 mars de mobiliser les outils et moyens nécessaires pour permettre le télétravail sur l’ensemble de nos périmètres. Aujourd’hui 85% des collaborateurs poursuivent normalement leur activité. Cela concerne aussi bien les Centres de relations clients, y compris au téléphone, que l’ensemble des équipes commerciales, mais également les services support. A cette décision impactante pour l’entreprise, nous avons très vite associé une deuxième décision tout aussi déterminante, puisque nous avons d’ores et déjà annoncé à nos collaborateurs que nous n’aurions pas recours au chômage partiel.
Comment organisez-vous la gouvernance de l’entreprise ?
Nous avons très vite créé une cellule de crise composée à la fois des membres du COMEX mais également des personnes susceptibles de nous aider à nous positionner sur les multiples questions que nous avons eues à gérer. Nous avons également souhaité réunir plus fréquemment le CODIR afin qu’il joue à plein son rôle de relai d’informations auprès des collaborateurs en télétravail et qu’il nous permette aussi d’être très réactifs face à certaines remontées terrain.
Les Français et probablement la grande majorité des salariés de votre entreprise sont actuellement en télétravail. Selon certaines études, une très grande majorité des Français salariés n’ont pas l’habitude de travailler à distance (89% selon une étude *) et ne disposent pas d’un espace réservé pour le home office (73% selon la même étude*), comment cela se passe dans votre entreprise ?
Même si certains de nos collaborateurs télétravaillaient à fréquence régulière, la majorité n’était effectivement pas préparée à cette situation de confinement. Nous avons donc déployé des moyens importants pour, d’une part leur apporter l’aide technique nécessaire à leur installation mais également l’accompagnement humain qu’exige de nouvelles méthodes de travail à distance. A cet égard le rôle de la DRH est prépondérant. Nous restons très vigilants quant aux conditions de travail de nos salariés en termes d’espace mais aussi de bon équilibre entre le privé et le professionnel. A cet égard nous notons que certains de nos collaborateurs en arrêt pour garde d’enfants ont choisi récemment de se remettre en activité en alternant ainsi avec leur conjoint.
Est-ce que le télétravail permet de gagner du temps, de la concentration et de l’énergie ? Pour vous, pour vos collaborateurs ?
Très clairement, l’économie du temps de trajet est une évidence, même si elle reste à géométrie variable selon les collaborateurs et les sites d’activité dont ils dépendent. Cette période est effectivement propice aux prises de recul, nous avons donc fait le choix d’en profiter pour, à la fois nous concentrer sur les « queues de projets » qui en temps ordinaires ont souvent du mal à aboutir et, d’autre part, ouvrir de larges réflexions pour préparer demain. Dans l’ensemble de l’entreprise, nous ressentons une dynamique très positive et malgré parfois les difficultés pour concilier vie professionnelle et vie privée en confinement, nos collaborateurs restent très impliqués et très concentrés sur les tâches et missions qui leurs sont confiées.
Stress, surcharge de travail, isolement social, incertitude… Le télétravail en contexte de confinement n’est pas sans risque. Or, le travail à distance n’exonère pas les employeurs de leurs obligations de protection de la santé de leurs salariés. Est-ce conciliable ?
En effet, le télétravail, surtout sur le long terme, peut devenir compliqué à gérer pour certains collaborateurs et certaines baisses de moral peuvent être au rendez-vous. C’est la raison pour laquelle nous insistons tout particulièrement durant cette période sur le rôle essentiel du manager de proximité. Nous avions déjà entrepris au sein de l’entreprise de mettre en place des parcours de formation dédiés à ces encadrants, nous poursuivons cette démarche et sommes très vigilants au maintien du lien social entre les collaborateurs et leur manager. En parallèle, nous lançons chaque semaine à travers une plate-forme digitale une enquête auprès de l’ensemble de nos collaborateurs pour prendre le pouls de l’entreprise. Cette première vague a enregistré plus de 79% de répondants avec des réponses très positives quant aux moyens mis en place pour accompagner nos salariés et surtout faire en sorte qu’ils ne se sentent pas isolés. Chaque jour une communication est envoyée par les équipes RH qui restent également très mobilisées aux côtés de nos collaborateurs.
Enfin, nous avons également souhaité associé étroitement nos partenaires sociaux dans cette dynamique et un CSE de crise se réunit à distance tous les 15 jours.
La technologie permet de maintenir l’activité professionnelle, de garder un peu de lien social… avez-vous découvert ou utilisé de nouveaux outils dans ce contexte ?
Avant même le confinement, nous utilisions, pour éviter les déplacements systématiques sur nos différents sites, les plateformes digitales interactives (téléphone et vidéo). Nous sommes tous devenus beaucoup plus agiles quant à leur utilisation depuis le confinement. Tous nos flux entrants étant dématérialisés et l’ensemble des outils de travail accessibles à distance, il y a finalement eu peu de perturbation pour nos collaborateurs dans leurs process du quotidien.
Voyez-vous des conséquences positives de cette quasi généralisation du télétravail ? Pensez-vous, à terme, que cela risque d’augmenter le nombre de « télétravailleurs » une fois la période de confinement terminée ? Plus de demande de la part des entreprises, des salariés ? La crise sanitaire actuelle risque-t-elle de modifier structurellement votre organisation ?
Chez ENTORIA, nous n’avions pas encore signé d’accord général sur le télétravail, ce qui n’empêchait pas bien sûr au cas par cas, des collaborateurs qui en faisaient la demande d’en profiter. Cette période de « test imposé » va permettre à chaque collaborateur de mesurer « grandeur nature » son appétence à ce mode de travail. Nul doute que nous aurons des demandes plus larges, car très clairement, certains salariés nous ont déjà fait part de leur souhait de rester en télétravail.
De façon plus générale, cette période va modifier en profondeur nos modes de travail, nos façons de communiquer en interne mais également vers nos clients et partenaires. Je pense que nous ne sommes qu’au début d’une réflexion de plus grande envergure, à cet égard, les scenarii de déconfinement qui vont nous être proposés par le gouvernement vont également impacter fortement nos façons de travailler et nos organisations sans doute sur du long terme. Nous nous y préparons et réfléchissions d’ores et déjà à la suite, avec toujours comme objectif principal le bien-être de nos collaborateurs et la préservation des intérêts de nos clients.
Par Jean-Luc Gambey – Vovoxx
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