Pour Julien Pavillon, Directeur chez KPMG France : « Plusieurs tendances de fond devraient avoir un impact significatif sur la gestion de sinistres IARD dans les années à venir. Les assureurs et les gestionnaires devront conserver le rôle de l’agent humain et se recentrer sur des activités de conseil à plus forte valeur ajoutée. Il faudra également développer des outils innovants de selfcare ou de prévention des risques pour améliorer l’expérience client et la fidélisation des assurés. L’expertise des sinistres et la détection de la fraude sont les domaines de la gestion de sinistres IARD où l’application de nouvelles technologies aura le plus d’impact à court et moyen termes. »
KPMG France dévoile ainsi la 1ère édition de l’étude « Insurance Trends & Tech Insights », selon les estimations de KPMG France :
- Le marché français de l’assurance dommages pourrait réduire les prestations versées au titre des déclarations frauduleuses de l’ordre de 1 à 1,4 milliards d’euros ;
- Les solutions d’automatisation et les nouveaux outils d’expertise permettraient de réduire le montant des frais de gestion de sinistres jusqu’à 310 millions d’euros en assurance dommages en France ;
- La mise en place de solutions de prévention pourrait faire économiser entre 2,6 et 4 milliards aux assureurs dommages sur le marché français.
Les grands enjeux de la gestion de sinistres IARD
Selon le dernier rapport de la FFA, le nombre de sinistres IARD s’élevait à 13,2 millions en 2018 en France. A titre d’exemple, les 8,6 millions de sinistres Automobile correspondent à 14,7 milliards d’euros de prestations versées (+4,3% par rapport à 2017). Sur le périmètre Habitation, ce sont 3,7 millions de sinistres qui ont coûté 6,7 milliards d’euros aux assureurs (-1,5% par rapport à 2017). Dans ce contexte, KPMG France a identifié six grands enjeux en gestion de sinistres IARD.
1) L’automatisation des processus pour réduire les coûts en gestion de sinistres
Plusieurs technologies permettent aujourd’hui d’envisager une automatisation plus ou moins avancée de certains processus en gestion de sinistres pour l’assurance dommages : la Robotic Process Automation, pour un traitement plus rapide et plus efficace de certains processus, ou encore la technologie blockchain pour automatiser le déclenchement de certaines actions via des smart contracts. Ces technologies s’appliquent particulièrement bien à des maillons de la chaîne de valeur, ayant des processus spécifiques et répétitifs. En témoignent les cas d’usage développés par les assureurs en assurance dommages ces dernières années :
— L’automatisation des indemnisations (automated claims), permettant de rembourser l’assuré sans action de sa part pour des couvertures de risques simples. C’est ce qu’a développé AXA avec sa marque Fizzy pour l’assurance couvrant le retard d’avion.
— La First Notice of Loss (FNOL), permettant d’accélérer le processus de déclaration et de raccourcir les délais de traitement. Les acteurs français WeProov ou Sightcall se sont positionnés avec succès sur ces technologies.
Les retours d’expérience KPMG permettent d’estimer un ROI de l’ordre de 10 à 15% lors de la mise en place de solutions d’automatisation chez les assureurs. Les gisements d’optimisation se situent encore majoritairement au niveau des entités générant des volumes clients importants (CRC, Back-Office, etc.). Mais l’arrivée à maturité de nouvelles solutions d’Intelligence Artificielle permet d’envisager des gains plus importants pour réduire les coûts en gestion de sinistres, tout en améliorant la qualité de processus en termes d’expérience client et collaborateur.
2) La personnalisation des parcours clients comme levier de fidélisation
Les nouvelles technologies d’assistance sont un moyen de créer des « gestionnaires augmentés », libérés des tâches administratives simples, et donc plus à même de se consacrer à l’écoute du client et à la personnalisation de son expérience. Lors de la résolution d’un sinistre, la plus grande valeur ajoutée d’un gestionnaire se situe dans l’empathie témoignée dans la relation client, et non sur la saisie d’informations liées au dossier et au sinistre. Plusieurs acteurs innovants développent donc des solutions technologiques pour libérer du temps de disponibilité pour le gestionnaire, afin qu’il puisse se concentrer sur l’accompagnement de l’assuré.
— L’assistant intelligent conçu par la startup Zelros permet précisément de résoudre certains irritants des gestionnaires et de centraliser l’information liée à chaque déclaration de sinistre afin d’apporter des réponses personnalisées à l’assuré et améliorer la connaissance client.
— Avec l’avancée des technologies d’analyse des émotions, il est envisageable de pouvoir détecter, à terme, le ressenti de l’assuré au cours d’un appel et de suivre l’évolution des émotions clients afin de pouvoir s’y adapter le cas échéant.
Dans un marché de l’assurance IARD concurrentiel, la personnalisation du parcours client grâce aux nouvelles technologies devient un levier de fidélisation de plus en plus important.
3) La gestion intelligente de la fraude pour diminuer les remboursements des sinistres non-fondés
La fraude à l’assurance est une réalité coûteuse pour les assureurs : Insurance Europe estimait que 10 à 15% des prestations versées dans les pays occidentaux découlent de déclarations frauduleuses. Dans un contexte de recrudescence des sinistres frauduleux, les progrès d’efficacité et de précision des algorithmes de Machine Learning jouent un rôle clé. KPMG France estime en effet que le marché français de l’assurance dommage pourrait réduire les prestations versées au titre des déclarations frauduleuses de l’ordre de 1 à 1,4 milliards d’euros. A l’heure actuelle, plusieurs solutions ont été développées par le marché pour détecter et prévenir les fraudes aux sinistres en assurance dommages :
— La solution Force de Shift Technology, permettant de faire remonter rapidement les déclarations identifiées comme probablement frauduleuses
— Les solutions tout-en-un, avec des modules spécifiques pour la fraude, de PhotoCert
— Les solutions de télé-déclaration de Sightcall et WeProov
Les solutions proposées par les Insurtechs s’appuient sur des algorithmes d’Intelligence Artificielle pour faire remonter rapidement les dossiers les plus suspects. Dans un second temps, des investigations plus poussées peuvent être lancées sur des cas ciblés, à l’aide notamment d’analyse linguistique. A terme, afin de perfectionner et améliorer la précision de la détection préventive de la fraude, il est envisageable que certains algorithmes soient entraînés sur des bases de données représentatives de la majorité des sinistres enregistrés en France, pour un type d’activité IARD donné.
4) L’expertise 2.0 pour optimiser les processus et améliorer la rentabilité
La forte croissance des contrats à faible valeur, l’évolution du comportement des automobilistes, la baisse de la sinistralité et l’augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles poussent aujourd’hui les réseaux d’expertise à évoluer et à se transformer. KPMG France estime que les solutions d’automatisation et nouveaux outils d’expertise permettraient de réduire le montant des frais de gestion de sinistres jusqu’à 310 millions d’euros en assurance dommages en France. Les nouvelles technologies offrent de réelles opportunités de transformation et de gains économiques (réduction des temps de traitement des dossiers, transmission instantanée des informations, etc.) :
— Les services de visio-expertise, tels que proposés par Sightcall et Weproov permettent de réaliser une Expertise à Distance (EAD) pour des sinistres de faible importance ;
— Certains réseaux d’expertise ont commencé à développer des solutions propriétaires, mêlant expertise et selfcare, comme le réseau Eurexo et sa solution Easy Sinistre.
Mais les assureurs restent pour le moment en retrait par rapport au développement de ces nouvelles applications.
Enfin, pour les sinistres dont les montants sont plus importants, l’expertise en assurance devrait connaître une évolution plus lente : les outils d’EAD sont d’autant plus rapidement limités que le domaine d’expertise est spécifique et que les dommages sont importants.
5) La prévention de la sinistralité pour mieux accompagner les assurés
Le marché s’oriente progressivement vers une offre d’assurance étoffée de services additionnels, qui devrait transformer l’industrie au-delà de l’assurance IARD. KPMG France estime que la mise en place de solutions de prévention pourrait faire économiser entre 2,6 et 4 milliards d’euros aux assureurs dommages sur le marché français. La démocratisation des objets connectés, couplée au développement d’algorithmes d’analyse des données en temps réel, et l’essor des partenariats entre assureurs et sociétés spécialisées permettent de mettre en place des offres innovantes pour la prévention de sinistres en assurance IARD : l’offre « Safe Home » d’Allianz, la société de télésurveillance Protectline, créée par Orange et Groupama, l’offre « Sauvegarde » lancée par Generali et Belfor…
En assurance automobile, la prévention se matérialise sous la forme d’offres comprenant des boîtiers télématiques pour analyser la conduite des assurés et émettre des recommandations sur la qualité de celle-ci. Les offres « YouDrive » de Direct Assurance ou « Allianz conduite connectée » permettent par exemple aux assurés de recevoir une assistance personnalisée sur leur style de conduite et de bénéficier de réductions sur la prime payée. A terme, l’ajout de solutions de prévention au sein des produits d’assurance classiques permettra d’améliorer la qualité de l’expérience client et de capitaliser sur une possible réduction de la sinistralité à plus long terme.
6) Le développement du selfcare pour améliorer l’expérience client et collaborateur
Le selfcare a pour but de permettre aux clients de réaliser en autonomie une partie de la gestion des produits et services proposés. Le bénéfice est double :
— Réduire les tâches de gestion et le temps de traitement des opérations
— Assurer un meilleur engagement client
En assurance IARD, le selfcare correspond à l’expertise à distance inversée (le particulier est responsable de la création du dossier d’expertise de son sinistre). L’assuré devient acteur de la gestion de son dossier, via son application mobile ou bien la télé-déclaration. Les réseaux d’expertise s’équipent également d’outils permettant de proposer des solutions selfcare aux assurés. Le réseau Texa a développé sa solution Digiclaims, mettant en avant une satisfaction client en hausse et une maîtrise des coûts par rapport aux expertises traditionnelles. Le selfcare est aujourd’hui un service indispensable à proposer aux assurés en assurance IARD : il permet de générer de l’engagement client et de la satisfaction collaborateur, tout en réduisant les délais de traitement (et donc les coûts de gestion) des sinistres simples dans une certaine mesure.