Pascal DEMURGER, Directeur Général de la MAIF a été élu, Personnalité de l’Année 2019. Retrouvez ici son interview réalisé à l’occasion de la cérémonie des Trophées de l’Assurance.
Après Thierry Martel, Directeur Général de Groupama SA en 2017 et Patrick Evrard Président d’agéa, Syndicat des agents généraux en 2018, vous avez été élu par le Jury des Trophées de l’assurance, Personnalité de l’Année 2019. En simplifiant à l’extrême la délibération du jury, des mots ont été très souvent prononcés : engagements citoyens, transformations, passage à l’acte, singularité (de la MAIF), performance, …. auxquels il faut associer un dirigeant « qui fait bouger les lignes ». Quelles sont vos réactions ?
Je suis honoré et extrêmement touché par cette reconnaissance. Elle récompense le chemin parcouru par la MAIF ces dernières années, qui donne une légitimité particulière à son Directeur général pour témoigner aujourd’hui. C’est pour moi l’occasion de remercier les 3 millions de sociétaires qui se reconnaissent dans ce projet et les 7 500 collaborateurs qui lui donnent corps jour après jour. Au-delà de la MAIF, j’y vois surtout le signe d’une prise de conscience progressive du rôle que peut jouer l’entreprise face aux défis de notre société alors que les attentes à son égard vont croissantes.
Lors des délibérations du jury, il a été également évoqué le militantisme « moderne et responsable » que vous incarnez. Concrètement, dans la vie d’une Mutuelle, c’est quoi être un militant mutualiste d’aujourd’hui et de demain ?
Militer, c’est s’engager et contribuer comme le fait la MAIF depuis sa création. On redécouvre aujourd’hui la modernité de l’engagement. Il n’y a qu’à voir les jeunes générations qui portent haut et fort leur désir de sens, leur volonté d’agir et de contribuer en faveur d’un mieux commun. A la MAIF, nous sommes convaincus qu’une entreprise aussi peut et doit s’engager. Pas seulement dans sa communication mais bien dans sa manière de concevoir son métier. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si nous avons choisi de réaffirmer notre signature de marque : assureur militant. Demain, nous serons toujours assureur et plus que jamais militant.
Vous parlez souvent de la transformation de notre société. Comment les entreprises d’assurance et la MAIF doivent-elles « affronter le nouveau monde qui va nous tomber dessus » ?
Notre monde change à un rythme effréné et notre secteur est au cœur de ces transformations. En tant qu’assureur, nous devons en particulier répondre à l’immense défi de la rupture digitale. Les risques d’hier ne seront pas ceux de demain. Le risque cyber par exemple interroge nos pratiques en matière de souscription, de tarification et de gestion du risque. La perspective d’une généralisation de véhicules autonomes questionne même l’existence de l’activité d’assurance automobile, quand on sait que l’essentiel des accidents de la circulation sont causés par des erreurs humaines. Sur ce marché dont les contours sont en pleine redéfinition, de nouveaux concurrents redoutables menacent de faire irruption. Assis sur un gisement presque inépuisable de données et une expérience digitale qui fait désormais référence, les géants du numérique sont aux portes de notre secteur. Bien sûr, nous devons être aux meilleurs standards du digital si nous voulons espérer résister. Mais nous ne nous imposerons pas en luttant uniquement avec leurs propres armes. Nous devons porter la concurrence sur un autre champ et offrir à nos assurés un supplément de sens qu’ils ne trouveront pas chez ces acteurs.
Dans votre dernier ouvrage « l’entreprise du 21ème siècle sera politique ou ne sera plus », vous affirmez que l’entreprise « peut servir le bien commun » et qu’il y a « urgence à généraliser ce modèle » au service de la propre performance de l’entreprise. D’ailleurs la MAIF veut devenir en 2020 la première grande « entreprise à mission ». Pouvez-vous nous évoquer les prochains engagements de votre entreprise ?
C’est en effet tout l’objet de mon livre : démontrer qu’en se fixant comme objectif d’avoir un impact positif sur ses partie prenantes et son environnement, l’entreprise n’en devient que plus performante. C’est en cela que je suis convaincu que ce modèle est généralisable, car il permet de concilier sens et efficacité, de nourrir à la fois la volonté de tout un chacun d’agir pour un mieux commun tout en renforçant la performance économique de l’entreprise, condition de sa pérennité.
Notre décision de devenir une Société à mission est un moyen d’approfondir cet engagement en lui offrant un cadre, des repères et la possibilité de le rendre visible. Nous avons entrepris des actions très fortes ces derniers mois, que ce soit à travers la création d’un fonds d’investissement destiné à la transition écologique et énergétique, « Maif Transition », ou en travaillant avec nos partenaires afin de structurer un réseau de pièces recyclées pour réparer les voitures de nos sociétaires. Mais notre objectif est bien d’aller plus loin encore. Demain, toute décision prise au sein de notre groupe devra l’être au prisme de son impact positif sur la société. Concrètement, cela signifie que nous choisirons nos partenaires, nos fournisseurs, nos offres et nos projets, d’abord en fonction de leur capacité à nourrir un mieux commun. Je suis ainsi persuadé que pour réussir, il faut pousser notre engagement jusqu’à une forme de radicalité.
Vous êtes entré à la MAIF en 2002, vous avez pris la direction du groupe en 2009. Depuis vous avez
« quitté » vos responsabilités à la Fédération Française de l’Assurance et à l’Association des Assureurs
Mutualistes. Pour terminer, pouvez-vous en quelques mots nous indiquer vos prochaines ambitions ?
Ma responsabilité première est évidemment vis-à-vis de la MAIF que j’ai la chance et l’honneur de diriger. Nous avons été précurseurs en prenant la décision de devenir une société à mission, il s’agit maintenant de transformer notre système de pilotage, nos indicateurs et d’ancrer véritablement cette démarche dans les pratiques de chaque collaborateur.
Au-delà de la MAIF, je veux convaincre le plus grand nombre de dirigeants qu’il est temps pour leurs entreprises de s’engager, qu’il est possible de contribuer au mieux commun sans renoncer à la performance. Je souhaite contribuer à la prise de conscience des citoyens-consommateurs pour que leurs actes d’achat ne soient plus jamais anodins. Nous avons tous un véritable pouvoir entre les mains pour orienter la société. Je suis convaincu que ce mouvement naissant est une chance pour l’Europe face aux modèles chinois et américains.
Jean-Luc Gambey
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