Cette semaine, nous avons interrogé Jean-Paul Babey, Président d’Alptis Assurances. Les journées du courtage viennent de se terminer. Que pensez-vous de l’évolution de du courtage d’assurance ? quels sont les principaux défis de cette profession ?
Le métier de courtier est effectivement en pleine évolution et se complexifie. L’une des raisons est l’importance croissante du règlementaire, avec notamment la mise en œuvre de la Directive sur la Distribution de l’Assurance. Pour les assurés eux-mêmes, l’assurance devient de plus en plus complexe, ce qui renforce la pertinence du conseil apporté par le courtier. Son rôle essentiel est d’accompagner son client et de l’aider à trouver les bonnes solutions.
Les intermédiaires en assurance affichent une certaine lassitude face aux réglementations qui se superposent, aux délais contraints, et aux efforts de digitalisation demandés par les clients finaux. Dans ce contexte, qui pourrait tétaniser les intermédiaires, quels sont les moyens pour les courtiers, aujourd’hui de favoriser leur croissance, de gagner des parts de marché ?
Ils doivent développer une organisation « ad hoc » de leur cabinet. Les CGPI ont su le faire. Ceci passe par la capacité à pré-formater les éléments contractuels, à augmenter leur valeur ajoutée dans l’approche des clients, à s’assurer de la traçabilité des actions réalisées.
Les pressions sur les prix de l’assurance pèsent sur la rentabilité des courtiers. Quels sont les leviers d’augmentation de la rentabilité pour les courtiers d’assurance ?
Il leur faut absolument sortir de la seule comparaison par les prix. L’intérêt des courtiers est de valoriser l’importance et la qualité des conseils et de l’accompagnement qu’ils prodiguent.
Le secteur du courtage d’assurances est hétérogène. Les acteurs en présence sont multiples : grands groupes, cabinets de proximité, courtiers généralistes, courtiers grossistes, courtiers spécialisés voire hyperspécialisés, courtiers en ligne… que pensez-vous de la structuration de cette profession ? Va-t-elle évoluer ? La concentration accrue va-t-elle se traduire par la victoire du modèle « généraliste » ?
Je ne le pense pas. Malgré la concentration croissante, l’hétérogénéité des acteurs en présence traduit la multiplicité des besoins des assurés. Leurs profils clients sont très différents, de la grande entreprise au simple particulier.
L’arrivée de nouveaux acteurs et le renforcement de canaux de distribution concurrents : bancassureurs, mutuelles sans intermédiaires, comparateurs, insurtechs ou encore distribution directe par les assureurs est-elle une véritable menace pour cette profession ?
Oui, c’est une menace, mais ce n’est pas la première fois que cette profession est confrontée à de nouveaux concurrents. D’une manière générale, on constate que les courtiers ont toujours su s’adapter, évoluer et surmonter les difficultés.
La volatilité croissante des consommateurs, la montée en puissance de la bancassurance, Internet et enfin la réglementation européenne constituent les principales menaces concurrentielles perçues par les courtiers. Les courtiers ne sont-ils pas condamnés à se regrouper, investir et à innover ?
Oui, c’est évident. Mais on peut aussi voir dans ces évolutions une véritable opportunité qui pousse les courtiers à se transformer.
Le rôle des courtiers-grossistes va-t-il continuer à se renforcer dans le secteur de l’assurance ?
Oui, car la distribution de proximité a plus que jamais besoin d’avoir un accompagnement dans son activité quotidienne. Seuls les courtiers grossistes de taille conséquente sont en mesure de fournir cet accompagnement.
L’autorégulation du courtage, telle qu’elle a été adoptée dans la loi Pacte, a été suspendue par le Conseil Constitutionnel. Cette réforme visait, selon ces auteurs, à « moraliser » la profession et à introduire au 1er janvier 2020 une forme d’organisation de la profession d’intermédiaires en assurance, banque et service de paiement. Pensez-vous que ce sujet va « revenir sur la table » ? Cette réforme serait-elle utile ou sans intérêt pour la profession ?
Nous sommes dans un environnement qui voit s’accroître le normatif. Nous pensons que ce mouvement d’autorégulation reviendra sous une forme ou sous une autre. Il serait souhaitable que les acteurs en prennent conscience et puissent faire des propositions adaptées, plutôt que de se les voir imposées.
L’omnicanal est au cœur de toutes les relations commerciales, dans quasiment tous les secteurs. Il s’agit pour la plupart des Français d’un élément fondamental dans sa relation avec ses fournisseurs. Le courtier monocanal continuera-t-il d’exister ? Pensez-vous que l’omnicanal soit une opportunité pour les intermédiaires d’assurance ?
L’omnicanal est une tendance appelée à se poursuivre. Pour autant, elle ne remplacera pas la nécessaire confiance qui s’établit entre humains, dans un processus de garantie. Il serait vain de croire que ce soit l’alpha et l’oméga de la distribution de l’assurance.
Quelles sont pour vous les opportunités et les menaces provoquées par la « digitalisation » sur le courtage en assurance ? Pensez-vous que la digitalisation du courtage va s’accélérer dans les années à venir ?
La digitalisation permettra bien sûr certaines transformations du métier, mais elle doit s’imaginer en complément d’une relation humaine.
L’automatisation technologique est-elle un allié pour le courtage d’assurance ?
Certainement, mais seulement pour des produits hyper-standardisés.
Terminons par un regard vers le futur et l’évolution du rôle du courtier en assurance. Nous avons réalisé récemment un ouvrage intitulé « Dessine-moi une mutuelle » et nous préparons le Magazine « Dessine-moi l’assurance ». Si vous deviez dessiner les principaux contours du courtage de demain, quels seraient-ils ?
Dimension humaine, pédagogie, compétence, ouverture sur les technologies, réactivité, proximité, accompagnement, approche personnalisée.
Propos recueillis par L’assurance en Mouvement.
Jean-Luc Gambey
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