Nous avons rencontré, Sébastien Limousin, nouveau Directeur Distribution et Digital du Groupe April. Les journées du courtage démarrent aujourd’hui. Que pensez-vous Sébastien, de l’évolution du courtage ? quels sont les principaux défis de cette profession ?
L’écosystème du courtage est aujourd’hui en plein bouleversement. Les défis actuels, qu’ils soient liés au règlementaire, à la transformation digitale ou aux nouvelles attentes de nos clients imposent aux différents acteurs d’être plus agiles que jamais. Dans cet environnement, le courtage dispose de nombreux atouts pour tirer son épingle du jeu. Les institutions de prévoyance, mutuelles, assureurs et banque-assureurs, vont avoir recours à toujours plus de délégation, que ce soit en matière de distribution ou de gestion, c’est une certitude.
Les courtiers généralistes et grossistes ont un rôle important à jouer, à condition de faire preuve d’agilité, de ne pas se cantonner à un simple rôle de concepteur/gestionnaire et d’apporter de nouvelles solutions le plus souvent digitales à leurs partenaires, au service des clients finaux.
Pour les acteurs du direct et le courtage de proximité, il y a de vraies opportunités ; leur rôle de tiers de confiance reste entier et doit continuer de se développer. Ils sont sans doute la meilleure réponse aux attentes de clients toujours plus exigeants en matière de personnalisation de la relation, de simplification, de clarté et d’accompagnement.
Les intermédiaires en Assurance affichent une certaine lassitude face aux réglementations qui se superposent, aux délais contraints, et aux efforts de digitalisation demandés par les clients finaux. Dans ce contexte, qui pourrait tétaniser les intermédiaires, quelles sont les moyens pour les courtiers, aujourd’hui de favoriser leur croissance, de gagner des parts de marché ?
Au risque de faire preuve d’un excès d’optimisme, je ne vois objectivement que des opportunités de croissance pour les courtiers dans ce que vous venez d’évoquer. Si certaines nouvelles réglementations desservent les intérêts du client final, les mutations de notre marché et les évolutions législatives, facilitant le changement d’assurances, telles que l’amendement Bourquin en emprunteur ou la résiliation à tout moment en santé, pour ne citer que celles-ci, redistribuent les cartes et permettent aux acteurs agiles et donc au courtage de prendre des parts de marché additionnelles.
Les chiffres confirment d’ailleurs cette croissance, puisque sur les dernières années, selon les études et les types d’acteurs, le chiffre d’affaires du courtage a progressé en moyenne de 4 à 6% par an. Le nombre de courtiers de proximité est également en croissance de 2% sur l’année 2018.
Quant aux efforts de digitalisation demandés par les clients finaux, permettez-moi de citer deux exemples, que je connais bien, parmi les nombreux succès de ces dernières années. Des jeunes assurtechs telles que Réassurezmoi ou encore Coverlife que j’ai eu la chance de diriger, n’existaient pas il y a 5 ans. Elles battent aujourd’hui des records de croissance, sur les marchés de la santé pour la première et l’emprunteur pour la seconde. Leur réussite tient en quelques mots, un ADN basé sur la simplicité, la clarté et le digital, pleinement porté par les équipes.
L’omnicanal est au cœur de toutes les relations commerciales, dans quasiment tous les secteurs. Il s’agit pour la plupart des Français d’un élément fondamental dans sa relation avec ses fournisseurs. Le courtier monocanal continuera-t-il d’exister ? Pensez-vous que l’omnicanal soit une menace pour les intermédiaires d’assurance ?
L’Assurance ne fera pas exception, et nous devons bien sûr travailler et miser sur la complémentarité des canaux. L’erreur qui est souvent faite est d’opposer les canaux de distribution mais aussi de les empiler avec des organisations ou des parcours de vente en silos. En France, notamment, nous voyons bien que le full digital ne connait pas l’essor attendu. Le marché de la comparaison online et les requêtes google stagnent. Les clients ont besoin de conseils, surtout dans l’assurance, par nature assez complexe. Il est donc logique que le courtage de proximité continue de se développer, pour accompagner les clients dans une démarche de conseil dédiée, tout en bénéficiant de plus en plus de solutions numériques mises à disposition par ses partenaires grossistes.
Je crois beaucoup plus au succès d’acteurs travaillant intelligemment la complémentarité des canaux avec une vision « customer centric ». Une personne à la recherche d’une assurance emprunteur, doit pouvoir comparer en ligne, adapter son devis en face à face avec son courtier (qui travaille lui-même sur la brique digitale de son partenaire grossiste), et finir la sélection médicale chez lui, depuis son canapé, grâce à un module de e-selection. Ce n’est pas pour rien que les courtiers grossistes développent aujourd’hui des briques de comparaison, investissent dans l’Intelligence Artificielle et accélèrent leurs activités directes. April en est un formidable exemple.
Terminons par un regard vers le futur et l’évolution du rôle du courtier en assurance. Nous avons réalisé récemment un ouvrage intitulé « Dessine-moi une mutuelle » et nous préparons le Magazine « Dessine-moi l’assurance ». Si vous deviez dessiner les principaux contours du courtage de demain, quels seraient-ils ?
Si je devais dessiner le courtage de demain, je dessinerais une ville : moderne, en mouvement, nourrie d’interconnexions et de relations facilitées. Les petits commerces auront toute leur place dans cette métropole, et joueront pleinement leur rôle de proximité tout en s’appuyant sur les interfaces dont ils disposent. Le trafic sera fluide et le consommateur (client final) aura un choix clair et sera protégé. Mais ça, c’est le dessin du futur. Aujourd’hui, l’esquisse représente, dans un environnement règlementé et en constante mutation, une ville pleine de promesses qui se lance résolument dans une dynamique de transformation ; les défis sont nombreux pour le secteur dans son ensemble !
Propos recueillis par L’assurance en Mouvement.
Jean-Luc Gambey
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