Dominique Trébuchet – Directeur général, La France Mutualiste – et Brice Teinturier – Directeur général délégué, Ipsos France – nous livrent leurs analyses et points de vue sur les résultats de la première édition du baromètre « Les Français et la Transmission ».
Si vous ne deviez retenir qu’une idée de ce sondage ?
Brice Teinturier (Ipsos) : « Les résultats de cette enquête, notamment sur les valeurs que les Français estiment être les plus importantes à transmettre, sont en partie l’expression de deux craintes majeures : sommes-nous encore capables de vivre ensemble ? Quel avenir sera celui des jeunes générations dans un monde de plus en plus incertain ? Parmi les qualités dont les répondants jugent qu’elles sont prioritaires à transmettre à un enfant, le respect des autres est plébiscité (58 %) et la tolérance est mentionnée par un répondant sur quatre. Ces scores élevés paraissent l’expression d’une inquiétude : dans les difficultés et les divisions que traverse notre société, ils montrent le souhait que le respect des autres demeure le socle de tous les échanges. L’importance accordée à la confiance en soi (41 %) et l’autonomie (26 %), pour sa part, traduit le sentiment que les nouvelles générations devront être fortes pour trouver leur place et savoir se battre pour s’en sortir. L’importance du travail résonne d’ailleurs en creux puisque le mérite est jugé comme un enseignement essentiel par 69 % des répondants ».
Dominique Trébuchet (La France Mutualiste) : « Nous pouvons être heureux des valeurs jugées importantes à transmettre. En effet, à la question « quelles sont les 3 qualités ou valeurs qui vous semblent les plus importante à transmettre à un enfant ? », on trouve l’autonomie, la confiance en soi, et surtout le respect des autres qui est la première valeur jugée importante à transmettre (58% de réponses). Car faire société, c’est d’abord respecter l’autre. Mais je suis aussi interpellé par l’appréciation sévère des générations plus anciennes vis-à-vis des nouvelles, jugées plus individualistes, irresponsables, moins travailleuses ».
Mettez-vous cette inquiétude en perspective avec le fait que les Français expriment une sorte de crise de la transmission au sein de la société ?
Brice Teinturier (Ipsos) : « Nos concitoyens ont de plus en plus l’impression de vivre dans un monde menaçant et complexe, sans que quiconque puisse en traduire le sens et en tracer l’avenir. Ils ont aussi le sentiment de vivre au sein d’une société très fragmentée dans laquelle chacun lutte contre les inégalités dont il s’estime victime : en tant que jeune, senior, femme, habitant des quartiers « difficiles » ou isolé en milieu rural, personne issue de l’immigration, célibataire ou divorcé avec enfant à charge, croyant catholique, musulman ou juif, ou encore future maman sans infrastructure d’accouchement à proximité, etc. Il y a un sentiment d’explosion des colères et des indignations qui à la fois parlent aux Français et leur font redouter une atomisation de la société, et une incapacité de plus en plus forte à pouvoir vivre ensemble ».
Dominique Trébuchet (La France Mutualiste) : Ce qui est certain, c’est que l’on ne transmet plus dans le monde d’aujourd’hui comme on transmettait dans le monde d’hier. Notamment parce que la société évolue très vite, et que nous sommes soumis de façon continue à des innovations et à des mutations qu’il faut intégrer, aussi bien d’un point de vue technique qu’éthique. Cela complique nos repères et crée des peurs légitimes. Le proverbe africain dit : « Il faut un village pour élever un enfant ». Peut-être que le village est devenu un peu grand, l’écran du smartphone aussi et les entreprises aussi. Ce que semble dirent les résultats de cette étude c’est qu’il faut donner davantage de repères aux jeunes pour les accompagner vers plus de discernement, y compris au début de leur vie professionnelle. Cet accompagnement c’est ce que nous appelons « L’Esprit de famille » à La France Mutualiste, c’est notre signature et notre ADN mutualistes.
Quand on pense transmission, mémoire, on pense aussi famille, a fortiori quand on a comme signature d’entreprise « L’assurance d’un esprit de famille » … ?
Brice Teinturier (Ipsos) : « Au sein de la famille, les relations entre générations demeurent riches et actives. Au-delà du jugement que les générations se portent entre elles, au sein de la famille les liens intergénérationnels apparaissent comme riches et complémentaires. L’opinion que l’on a des différentes générations n’entrave pas les relations familiales. Les Français se disent reconnaissants envers leurs grands-parents pour l’histoire familiale et les valeurs qu’ils leur ont transmis, envers leurs parents, pour un soutien plus concret (voire financier) et quotidien (dans les moments difficiles), et envers leurs enfants et petits-enfants, pour leur présence affective, leur vision rafraîchissante du monde et leur aide au quotidien, par exemple pour l’appréhension des nouvelles technologies. Ces solidarités sont descendantes mais aussi très souvent ascendantes. Et c’est tout l’enjeu de ces prochaines années. En 2030, pour la première fois dans l’histoire démographique de la France, les « plus de 65 ans » seront plus nombreux que les moins de 20 ans. Face à ce phénomène, la question des solidarités ascendantes et de leur contenu se pose d’ores et déjà et elle est complexe car nous n’y avons jamais été confrontés. Et bien au-delà du cercle familial ».
Dominique Trébuchet (La France Mutualiste) : « Si plus de 8 Français sur 10 pensent que l’on n’accorde pas assez d’importance dans la société à la transmission, ils ne sont que 3 sur 10 à le considérer dès lors que l’on parle de la famille. Mais je crois que nous pouvons nous appuyer aussi sur les germes de la solidarité qui restent présents puisque 25% à 40% des Français se déclarent prêts à s’engager. D’ailleurs, à La France Mutualiste, 25% des collaborateurs ont couru ou marché en faveur de l’association Mécénat chirurgie cardiaque aux Foulées de l’Assurance fin mars 2019. Multiplier les initiatives intergénérationnelles, développer le sens y compris et surtout dans les entreprises, c’est ce à quoi nous nous employons ».