Jean-François Tripodi, Directeur Général de Carte Blanche Partenaires et Gérard Vuidepot Président du Groupe MNH nous délivrent leur opinion sur l’avenir des réseaux de soins. Les réseaux de soins protègent environ 50 millions de Français et déploient des services à valeur ajoutée pour leurs clients assureurs et leurs assurés. Cependant, la mise en place de la réforme sur le Reste à Charge 0 (RAC 0) pose des questions sur l’avenir des réseaux de soins.
Où en sommes-nous de la réforme du RAC 0 ? Quel est l’état des lieux ?
Jean-François Tripodi : Le RAC 0 est composé de deux éléments : du réglementaire et du conventionnel. Du réglementaire parce que la direction de la Sécurité Sociale au sein du ministère a signé un accord avec les syndicats d’opticiens et le syndicat des audio-prothésistes. Et de son côté, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) a signé une convention avec les syndicats dentaires. L’objectif est le même : arriver à un RAC 0 pour les assurés. Les complémentaires santé vont financer ce RAC 0 par l’augmentation de leur remboursement : le projet 100% santé du gouvernement. Sur une année pleine, un milliard d’euros en plus de remboursement pour l’ensemble du secteur des complémentaires santé sera versé aux adhérents.
Cette réforme vous semble-t-elle plutôt positive ou négative pour les réseaux de soins ?
Gérard Vuidepot : Elle est globalement positive sur un plan politique parce que toutes les complémentaires santé d’une façon générale ont le souci de leurs adhérents, leurs clients et de leur laisser un Reste à Charge le moins élevé possible. C’est pour cette raison qu’a la MNH, nous pratiquions déjà bien avant l’annonce du Président de la République en collaboration avec notre réseau de soins Carte Blanche, ce RAC 0. Cette réforme est positive même si certains équipements ne rentrent pas dans cette prise en charge, comme les couronnes en céramique, l’implantologie, la DMLA pour l’optique.
Jean-François Tripodi : Le RAC 0 est une nouvelle étape réglementaire qui va amener certains professionnels de santé à respecter ce 100% santé au niveau tarifaire mais au détriment de la qualité. Notre métier de contrôle de qualité et de traçabilité va devenir encore plus important notamment sur le panier 100% santé.
Pourquoi certains professionnels évoquent le fait que ce 100% santé est une menace pour ces réseaux de soins ?
Gérard Vuidepot : Ce qui faisait défaut en France si on compare avec le système allemand, est l’absence de régulation sur les prix notamment et donc sur les prises en charge. Dès lors qu’on régule on est critiqué. A contrario, le RAC 0 est possible à mettre en place parce que certains l’ont pratiqué avant cette régulation, comme Carte Blanche. C’est un dispositif positif qui va contribuer à l’amélioration du service et donc de la qualité. C’est un pas à franchir que nous franchirons avec les réseaux de soins.
Selon-vous, les conséquences de la réforme pourraient-elle entraîner une redéfinition des règles du jeu pour les réseaux de soins et une évolution significative de votre métier ?
Jean-François Tripodi : Le métier de Carte Blanche évoluera, à cause des contraintes opérationnelles. Mais attention, un réseau ce n’est pas uniquement le tarif mais aussi de la qualité, de la traçabilité, et de la lutte contre la fraude. En dentaire, le fait d’avoir une amélioration de la prise en charge des soins doit amener une diminution des prothèses faut-il encore qu’elle soit réelle. Donc nous allons axer notre action sur de la prévention dans les parcours de santé bucco-dentaires. En audioprothèses, notre travail reposera sur le suivi de l’appareil. Il faut que l’équipement soit maintenu et suivi régulièrement. Notre rôle est d’accompagner les adhérents pour qu’ils soient bien accompagnés par leurs professionnels de santé.
Pour Carte Blanche, cette adaptation est plus aisée que pour d’autres acteurs. Car nous avons déjà notre offre 100% santé en optique avant l’heure qui s’appelle Prysme. Nous fabriquons nos montures dans l’Ain et le Jura avec des produits Origine France Garantie et Made in France, quatre verriers majeurs nous accompagnent. Nous avons mis en place depuis trois ans le 100% santé Carte Blanche bien avant que le gouvernement le mette en œuvre. Nous avons déjà l’offre qui répond à la problématique du 100% santé, du RAC 0, mais avec la qualité en plus.
Gérard Vuidepot : Au niveau des réseaux de soins, la notion de service va évoluer en termes d’efficience d’un point de vue qualitatif. Dès lors que le cadre sera organisé, la qualité devra prendre une part plus importante que ce qu’elle représente aujourd’hui. Nous allons pouvoir introduire de la prévention dans la perte de l’audition par exemple, et donc organiser tout ce suivi tant de manière préventive que de manière curative. Les réseaux de soins ont une formidable opportunité pour s’adapter à de nouveaux métiers, à de nouvelles exigences et augmenter la qualité et l’efficience. Les réseaux de soins devront proposer de nouveaux services dans l’avenir notamment en matière de prévention et de suivi.
Le terme de réseaux de soins est-il toujours adapté au contenu de votre métier ?
Jean-François Tripodi : Le réseau de soin est une de nos activités, mais c’est un outil parmi tant d’autres. Nous sommes avant tout une plateforme de services santé et avons comme objectif le management de la santé. Les réseaux de soins sont le moyen que nous avons trouvé pour agir très rapidement sur des soins où le remboursement des mutuelles et le besoin d’une régulation des tarifs étaient importants. Nous sommes dans l’accompagnement total du parcours de santé de nos bénéficiaires et c’est grâce à cela aussi que l’accès aux soins est facilité. Quand nous orientons vers le professionnel de santé qui correspond le mieux aux besoins de l’adhérent, nous amenons le patient à être mieux soigner et être dans un parcours qui permettra d’optimiser la gestion de sa santé. Notre objectif c’est d’être toujours à côté du bénéficiaire pour l’aider.
Pour cela nous développons des outils digitaux. Nous avons décidé de lancer un chatbot qui est déjà ouvert depuis quelques jours qui concerne la santé visuelle. Nous accompagnons l’adhérent tout au long du parcours de santé qui va de la prise de rendez-vous jusqu’au choix des lunettes, nous allons dans l’avenir faire de même sur l’audition et le bucco-dentaire. L’objectif est d’être présent en amont et en aval pour accompagner tout le parcours santé de l’adhérent. Les services doivent accompagner l’adhérent, sinon l’assurance aura du mal à survivre.
Quelle vision ont les assureurs au sens large y compris les mutuelles, sur les services apportés par les réseaux de soins à leurs assurés ?
Gérard Vuidepot : Pour tous, la notion de service est primordiale pour satisfaire leurs assurés. Ils recherchent donc le service le plus accompli possible, avec une qualité élevée et au moindre coût pour leurs adhérents. A la MNH, nous avons la vision d’un parcours de santé plutôt qu’un parcours de soins. Avec un suivi tout au long du cycle de vie pour les lunettes, pour les soins dentaires par exemple. Nous voulons utiliser ces réseaux pour délivrer les meilleures prestations aux adhérents.
Jean-François Tripodi : Notre rôle est d’accompagner nos clients que sont les mutuelles, les compagnies d’assurance, les courtiers dans leur métier. Leur métier évolue, il est bien plus régulé. Cette régulation permet de moins en moins de différenciation et c’est par les services que le monde de l’assurance complémentaire va pouvoir se différencier, attirer de nouveaux adhérents et les fidéliser.
Il est souvent évoqué le rôle des startups qui sont novatrices, ont une grande agilité. Nous, Carte Blanche Partenaires, nous ne sommes pas une startup, mais nous avons une agilité et l’avantage par rapport aux startups est que nous connaissons les métiers de l’assurance santé et des soins. Grâce à cela, nous avons la capacité à élaborer des services, des avantages pour qu’ils soient offerts aux bénéficiaires dans leurs garanties.
Quels services allez-vous proposer dans l’avenir ?
Jean-François Tripodi : Nous avons quelques axes forts de développement pour le service : toujours la bonne information à la bonne personne au bon moment au bon endroit. Si nous appliquons ces quatre règles, nous sommes certains que le service proposé à l’adhérent est celui qui va lui convenir au moment où il en a besoin. Ce service ne doit jamais apporter de contraintes mais seulement des avantages à l’adhérent. De plus, nous essayons toujours de fabriquer nos produits, nos services, avec des partenaires « offres de soins » que ce soit des sociétés savantes ou des syndicats professionnels. Nous sommes dans une logique de co-construction. N’oublions pas que c’est le professionnel de santé qui voit le patient régulièrement.
Un exemple sur le bucco-dentaire, nous sommes le partenaire de l’Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire, qui est leader dans la prévention, l’information, et la formation des dentistes. Quand nous fabriquons un film éducatif interactif sur le dentaire nous le faisons avec eux. Nous avons l’expression du besoin du bénéficiaire final, ils ont le savoir-faire des dentistes et nous fabriquons un film sous forme de dessin animé interactif avec donc les dentistes pour parler du bucco-dentaire.
Gérard Vuidepot : Nous assistons à une amélioration des relations de proximité avec les adhérents, sans oublier les outils technologiques, digitaux, et bien évidemment avec un élargissement de services qui répondent à un besoin des patients dans le cadre d’un parcours santé.
Pour quelles raisons MNH est devenu un client de Carte Blanche Partenaires ?
Gérard Vuidepot : Nous étions convaincus de l’apport des réseaux de soins. En maîtrisant toute la chaîne de production et de distribution jusqu’au produit lui-même, nous étions convaincus que nous allions améliorer la qualité de nos services et les chiffres sont là pour le démontrer. Dès la deuxième année, le Reste à Charge pour nos adhérents grâce au réseau Carte Blanche a diminué de près de 8 millions d’euros.
Quel est le rôle de Carte Blanche auprès des mutuelles ?
Jean-François Tripodi : La mission de Carte Blanche Partenaires est d’améliorer l’accès aux soins des adhérents en nous appuyant sur plusieurs axes. Le premier axe est de réguler les tarifs sans sacrifier la qualité. Nous devons aussi toujours conseiller, orienter le bénéficiaire pour qu’il soit dans la meilleure utilisation de l’offre de soins et de sa garantie. Mais nous sommes aussi conscients que nous ne sommes qu’un outil au service des mutuelles, l’assuré n’est pas notre client, nos clients sont les mutuelles. Nous sommes donc là pour que nos services soient inclus dans leur complémentaire santé. Le chabot, nous l’avons développé pour qu’il s’intègre au site Internet ou dans une application de nos mutuelles clientes.
Nous avons des compétences sur la santé, sur l’offre de soins que n’ont pas les mutuelles, nous avons souvent accès à des données personnelles de santé des patients qu’ils n’ont pas puisque nous sommes hébergeurs de santé, et tiers de confiance. Nous pouvons stocker et analyser des données médicales de manière anonyme. Mais en même temps, il ne faut pas que ce soit nous qui apparaissions comme l’interlocuteur principal des bénéficiaires.
Quelle est la révolution actuelle pour les réseaux de soins ?
Jean-François Tripodi : Aujourd’hui la révolution pour Carte Blanche ce n’est pas le 100% santé que nous pratiquions déjà, mais les nouveaux outils à mettre en place comme le chatbot.
Gérard Vuidepot : Avec le Tiers Payant, il y a déjà beaucoup de prestations qui sont déjà couvertes à 100%. Le dentaire et l’optique sont les deux prestations phares les plus importantes pour les adhérents parce que l’assurance maladie les rembourse de manière insuffisante. Les complémentaires d’une façon générale ont été appelées à financer ces posts de dépenses.
La révolution ce sont les outils, ce n’est pas une révolution de fond mais c’est une évolution, une transformation profonde qui permettra les évolutions de services et d’avoir une vision beaucoup plus globale que simplement sur tel ou tel sujet.
Que diriez-vous en conclusion sur ces réseaux de soins sur leur avenir ?
Gérard Vuidepot : Aujourd’hui, un nouveau cadre d’organisation se met en place et permet de faire évoluer ce modèle vers un cadre beaucoup plus large avec un avenir qui est déjà tracé : l’évolution des technologies. Nous ne sommes pas du tout inquiets bien au contraire sur l’avenir des réseaux de soins qui présente beaucoup d’opportunités.
Jean-François Tripodi : Les services sont vraiment là pour accompagner l’offre d’assurance santé. Aujourd’hui, nous traitons déjà des millions de données de santé mais ce n’est que le haut de l’iceberg. L’assurance santé à des quantités, des milliards de données qu’on n’utilise pas suffisamment, il faut les utiliser. L’avenir de l’assurance ce sont les services et l’avenir des services ce sont les datas.
Source : Extrait de l’émission « Complémentaire santé, quel est l’avenir des réseaux de soins ? » réalisée lors du TDAY Insurance du 25 septembre 2018. Retrouvez l’ensemble de l’émission en vidéo.