Olivier Marie, agent Axa utilise les outils digitaux. Dans ce contexte, nous avons souhaité l’interviewer, sur la digitalisation de son métier.
La relation de proximité qu’entretient l’agent d’assurance avec ses assurés est un de ses principaux atouts. Pensez-vous que la digitalisation de la relation assureur-assuré renforcera cette proximité ou la réduira ?
Aujourd’hui, il est impératif que le temps d’un agent général soit alloué à sa tâche de conseil et de suivi du client, et de laisser de côté les tâches sans valeur ajoutée pour lui, son client et sa compagnie. Et les nouvelles technologies doivent le permettre : pour à la fois dégager du temps à l’agent pour se concentrer sur le conseil à valeur ajoutée, donner aux clients un accès 24/7 à l’agence via ces nouveaux canaux, permettre à la compagnie de fluidifier nos relations.
L’humain est essentiel dans la relation client. La digitalisation de la relation assureur-assuré permettra de faire gagner du temps à l’agent pour les tâches administratives à faible valeur ajoutée où la relation humaine est faible : les tâches de souscription où il est nécessaire de remplir à la main 4 fois les civilités, les obligations réglementaires auxquelles sont astreints les agents, les impressions papiers redondantes, des documents signés 12 fois consécutivement.
La digitalisation doit être aussi un atout en interne pour permettre aux différentes parties prenantes de la compagnie d’assurance de travailler plus efficacement à chaque étape de la relation client : la gestion des contrats, la recherche de nouveaux clients, la comptabilité interne, la technique financière, l’écoute des nouveautés fiscales et sociales, le suivi des changements ou des mauvais traitements des dossiers avec la compagnie…. La digitalisation permet de mettre en relation les silos d’organisations de la compagnie, des départements qui ne communiquent pas pour traiter le dossier d’un client.
La digitalisation du métier d’agent d’assurance peut faire évoluer la manière de s’informer, de communiquer, de travailler. Par exemple, certains agents d’assurance utilisent beaucoup les réseaux sociaux pour communiquer avec leurs clients et prospects. Pensez-vous que cela est une évolution positive ?
Oui, cette communication permet de partager avec des futurs clients sa vision, ses émotions, sa posture, et habilement partager une offre qui n’est pas une « assurance » mais un accompagnement durable pour ceux qui y sont prêts.
Communiquer sur son produit en disant que c’est le meilleur, je n’y crois plus. Et cela commence à agacer les internautes. Nous sommes submergés matin, midi et soir sur tous les médias, par de la publicité de produit. D’ailleurs, si un martien venait à atterrir sur notre planète, il va croire que l’on mange des voitures et des parfums comme des assurances.
En revanche, raconter une histoire sympathique et drôle sur un sujet sérieux qui va toucher ses prospects en montrant son identité personnelle, et sa différence de traitement d’une même situation, cela me paraît plus intéressant et viable, à la fois pour la société, pour nos clients, pour nous et la compagnie.
De plus il est très difficile d’adopter ce type de posture si on n’est pas en ligne avec ses propres croyances, il est alors difficile d’imiter son voisin concurrent sur ce type de terrain. La digitalisation facilite cette démarche.
La digitalisation de la relation client concerne aussi la gestion des sinistres. Les applications, les chatbots ou les objets connectés sont de plus en plus utilisés à cette occasion. Que pensez-vous, en général, de l’évolution de la gestion des sinistres avec ces nouveaux outils digitaux mis à disposition des assurés ?
Je pense que cela va me faire gagner du temps, et me permettre de me concentrer sur ma valeur ajoutée. Comment ? En évitant de passer du temps à faire des choses sans vraiment apporter de la valeur aux yeux du client, sauf si vous pensez que de calculer une enveloppe Madelin apporte de la valeur ! Donc autant que le ChatBot réalise le calcul lui-même. Même si je pense que cet outil aura du mal à intégrer les données personnelles et professionnelles, très nombreuses et denses, pour prendre la décision la plus fructueuse pour notre client s’il souhaite céder son entreprise et maintenir sa rémunération, par exemple.
Je préfère passer du temps à organiser des événements utiles à mes clients et prospects qui tournent autour de l’assurance mais pas que, en créant du lien business, en les mettant en relation entre eux, que d’effectuer un acte de gestion important, mais qui sera bien mieux fait par une machine car très répétitif.
La digitalisation peut concerner aussi la façon de faire évoluer ses compétences. Qu’attendez-vous des outils digitaux en ce qui concerne la formation ? Utilisez-vous des outils digitaux pour optimiser vos compétences ?
Aujourd’hui j’utilise des bases d’information qui me permettent de préparer des rendez-vous complexes, ou quand on parle d’un sujet que je n’ai pas traité depuis quelques mois, de revenir sur les fondamentaux. Et bien sur j’ai des contacts chez les experts comptables, notaires et avocats pour assurer la transversalité de mes réponses techniques.
Ce que j’attends des bots, c’est d’être à jour sur des choses tangibles et factuelles : La dernière loi de finance, on sait tous où aller chercher l’information, mais là il peut nous faire gagner du temps. Donner accès aux fondamentaux d’une connaissance, par exemple : « comment avoir la décision du juge de tutelle ? », « le taux d’appel à cotisation du régime général AGIRC-ARRCO ? » « le processus de suscription a t-il changé depuis mai 2017 ? »… . Qu’il nous donne accès à un genre de mémo personnel. Ensuite ces sujets sont très complexes, il est nécessaire d’être formé pour les déchiffrer et décrypter.
En conclusion, quelles sont pour vous les opportunités et les menaces provoquées par la « digitalisation » du métier d’agent d’assurance ? Pensez-vous que cette digitalisation va s’accélérer dans les années à venir ?
Si dans 5 ans les acteurs de notre secteur n’ont pas pris le virage, la sortie de route sera douloureuse. Les opportunités sont les suivantes :
- Focus client.
- Se positionner comme individu et pas comme une marque.
- Se démarquer de la concurrence.
- Libérer du temps pour créer de nouvelles offres multi-compétences.
- Changement du statut des agents en « quelque chose de plus simple ».
Les menaces sont les suivantes :
- Transformation profonde des métiers du back-office.
- Détruire le peu de respect en France, que les gens portent au conseil.
- L’assurance est un univers avec beaucoup de résistance au changement.
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