Le canal numérique fait émerger 4 catégories d’intermédiaires d’assurance

Certains analystes évoquent un transfert massif des liens clients, qui risque encore de s’accélérer avec des clients qui passent progressivement du canal de l’agence au canal numérique.

Le déploiement massif des technologies numériques, en particulier les objets connectés, le digital et le big data participent à la transformation du secteur de l’Assurance, et permettront de faire évoluer significativement : l’analyse des risques, les offres, les services, la distribution, la relation client, … . Les récentes enquêtes révèlent que de plus en plus de Français font désormais appel aux plates-formes numériques pour se renseigner avant d’acheter un produit ou un service, les agences « en dur » étant progressivement délaissées par un nombre croissant de clients. Certains analystes évoquent un transfert massif des liens clients, qui risque encore de s’accélérer avec des clients qui passent progressivement du canal de l’agence au canal numérique. Au-delà des impacts directs, la commercialisation des produits d’assurance par ces mêmes réseaux est modifiée, l’accélération de la digitalisation des parcours clients restructurant significativement les modèles de vente et la
gestion de la relation client. C’est un fait, la digitalisation du secteur est en marche, elle sera profonde et rien, probablement, ne l’arrêtera.
Cependant, les « intermédiaires » d’assurance sont des acteurs leaders du marché.
Selon l’Observatoire Européen des intermédiaires en assurance publié en 2014 par CGPA Europe, les intermédiaires d’assurance (agents et courtiers) représentent 57% des primes directes (vie et non vie). Concernant la part de marché des intermédiaires, elle est estimée à 52% en Non-Vie et à 18% en Assurance Vie (concurrencée par la bancassurance). Selon ces chiffres, les intermédiaires d’assurance sont donc toujours les leaders du marché en terme de distribution, que ce soit en France (à l’exception de l’assurance vie) ou en Europe. Alors que les vents de l’intermédiation numérique soufflent très forts sur certaines industries (Uber, Airbnb, …), il semble plus que « raisonnable » de penser que ceux-ci atteindront notre industrie. De multiples questions se posent. Comment devons-nous anticiper la mutation des équilibres actuels ?
Comment les intermédiaires d’assurance se positionnent-ils face à l’émergence de cette révolution numérique ?
La révolution numérique a également des conséquences importantes sur le métier d’intermédiaire d’assurance !
Selon l’Observatoire Européen des Intermédiaires d’Assurance, réalisé par CGPA Europe en 2015, la révolution numérique a des conséquences très importantes sur le métier d’intermédiaire d’assurance. Pour comprendre ces évolutions, CGPA Europe a réalisé des entretiens auprès d’intermédiaires d’assurance (agents, courtiers). Nous allons vous présenter les principales tendances qui en ressortent.
Premier constat, la complexité du produit vendu justifie la confiance du client dans l’intermédiaire en assurance. Cette complexité est la principale source de pouvoir chez les agents et les courtiers. Aux yeux de l’intermédiaire en assurance, si le client a su se saisir des nouveaux dispositifs de jugement disponibles (comparateur, réseau social, souscription en ligne…), il demeure démuni face à la complexité du contrat d’assurance. Il doit « faire confiance » au courtier ou à l’agent, dont le rôle reste essentiel. La
relation client reste centrale même si elle pourrait être amenée à changer radicalement sous certains aspects, à plus ou moins long terme.
Partant de ce fait, et c’est le deuxième constat, les professionnels pensent que l’avenir du métier réside dans une hyperspécialisation en terme de marché, pour les courtiers, et dans une ultra-professionnalisation qui mettra le conseil au cœur du dispositif, pour les agents.
Le numérique est alors perçu à la fois comme une opportunité renouvelée de se concentrer sur le cœur du métier, c’est-à-dire la relation client, mais aussi, comme une accélération technologique et sociale, c’est à dire une multiplication des tâches à effectuer et des interactions dans un temps donné contraint. « En fait, cela a amené surtout une accélération de tous les process. Je suis persuadé qu’on travaille un peu moins sereinement parce que l’on travaille un peu plus dans la rapidité et dans la réactivité. Ce qui n’est pas très bon.» déclare un courtier. Le sentiment général sur l’avenir de la profession, partagé par les agents et par les courtiers, est empreint d’optimisme. « Nous sommes dans un marché très dynamique et très changeant… le courtier est un refuge pour le client ». « Nous pouvons être fiers de notre métier » déclare un courtier.
Les stratégies développées par les intermédiaires en assurance, afin de s’adapter à cette nouvelle  donne, reposent sur des ressources distinctes.
Pour certains, il s’agit avant tout de renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté de métier par l’action syndicale. Pour cette population, l’engagement dans les institutions représentatives est essentiel. Pour d’autres, l’adaptation passe par une remise à jour des connaissances et une veille stratégique permanente afin d’y parvenir. Pour d’autres encore, il s’agira de réorienter leur stratégie de marché. Chaque agent, chaque courtier, mettra en place le répertoire d’actions ad-hoc en fonction de sa place sur le marché, de son identité professionnelle et de sa maîtrise des technologies numériques. Il reste cependant des incertitudes à lever sur l’avenir du métier pour les professionnels. Les agents et les courtiers mesurent au quotidien l’impact du numérique.
Face à cette digitalisation, on peut identifier 4 catégories d’intermédiaires d’assurance :

  1. Les gardiens de l’orthodoxie : marqués d’une forte identité professionnelle, usagers du numérique, ils conservent leur préférence pour le maintien du savoir-faire. Conscient de la prédominance de l’internet dans les choix et les options d’achat du client, les gardiens apportent de la valeur ajoutée en mettant en avant leurs capacités à analyser des dossiers complexes et techniques. Ils font en général le choix de l’usage du numérique comme simple outil de simplification mais continuent de maintenir un lien fort (physique et historique) avec une clientèle locale.
  1. Les guides : leader d’opinion, promoteur d’une puissante réorganisation du marché. Souvent en responsabilité de représentation de la profession, ils vivent la révolution numérique comme un élément contraignant mais incontournable de la « modernité tardive », ne laissant d’autres choix qu’une mise en place d’un nouveau modèle économique, le passage d’un marché de la qualité à un marché du prix. Un marché dans lequel le « réseau numérique » sera le dispositif de jugement dominant pour le client sur la qualité du produit proposé.
  1. Les digitologues : possèdent un nouveau pouvoir au sein des entreprises ou au sein du réseau. Ils apportent des ressources techniques qui lèvent les incertitudes liées au numérique, mais ne sont pas dupes des limites et inconvénients d’un système « tout numérique ».
  1. Les témoins : s’adaptent aux NTIC et y voient une opportunité de faire évoluer leur métier et leur savoir-faire. Sans doute représentatif d’une majorité des intermédiaires en assurance « nouvelle génération », ils sont la preuve tangible que la pratique du métier est intimement liée depuis toujours à la capacité d’adaptation du milieu à un écosystème qui change. Le métier d’intermédiaire d’assurance change, comme beaucoup d’autres. Les courtiers et agents doivent s’adapter et s’engager dans le numérique, à défaut, ils seront certainement dépassés.

D’ailleurs, Agéa signe  une charte digitale européenne.
Fin janvier, 10 Fédérations d’agents d’assurance de 9 pays d’Europe (dont Agéa en France) ont signé une Charte du digital. Avec les évolutions du secteur (réglementaires, technologiques),  cette Charte traduit la volonté des agents généraux d’assurance européens d’être les moteurs et les acteurs de cette « révolution digitale ».
Le principe de cette Charte est le suivant : les agents généraux d’assurance ne sont pas contre le digital, mais cet outil doit rester au service de la relation humaine entre les agents généraux et leurs clients et les agents généraux et leur compagnie mandante. Avec cette Charte, les signataires entendent affirmer, souligne Patrick Evrard, Président d’Agéa, que « le digital est un moyen de moderniser les agences mais ne doit pas se traduire par des baisses de commissionnement et de revenus pour les agents ».
Les  principes de la Charte :

  • Il est fondamental de créer les conditions d’un nouveau modèle de distribution qui optimise les opportunités fournies par le digital (allègements administratifs, nouveaux flux de clientèle, …).
  • Les compagnies et les représentants des agents doivent discuter préalablement des projets de digitalisation et partager leurs expériences spécifiques liées à leurs rôles complémentaires. La nécessité est d’accompagner un changement sociétal souvent standardisé et impersonnel vers une relation plus humaine, adaptée à la situation de chaque client.
  • Il est fondamental de respecter les spécificités nationales des agents et leur liberté d’organiser leur agence.
  • L’agence est l’interlocutrice centrale de la relation client et le lien entre le client et la compagnie et reste indépendante dans sa gestion. Elle se doit toutefois d’investir dans des ressources, dans l’organisation, la formation et la digitalisation.
  • La digitalisation n’a pas vocation à mener à une réduction des revenus des agences, et la baisse éventuelle des coûts de distribution ou l’optimisation éventuelle des procédures d’administration doivent permettre à ce modèle de gagner en compétitivité.

Contact : Jean-Luc Gambey  
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